Sihame Assbague
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Sihame Assbague, née le à Paris, est une journaliste et militante française se réclamant de l'« antiracisme politique ».
Ancienne porte-parole du collectif Stop le contrôle au faciès, elle est notamment connue pour son travail[réf. nécessaire] sur les violences policières. Certaines de ses prises de position et pratiques militantes (comme le choix d'organiser des ateliers de formation en non-mixité en 2016) ont provoqué des polémiques politiques et médiatiques.
Biographie
[modifier | modifier le code]Ses parents, originaires du Maroc, ont cinq enfants, la famille vivant dans la banlieue sud de Paris[1]. Sihame Assbague est titulaire d’un bac littéraire.
Après être passée par une classe préparatoire, elle valide deux masters, l'un en lettres modernes et l'autre en science politique. Diplômée en sciences politiques, elle travaille comme chargée de mission (ou « conseillère politique ») pour la mairie du 14e arrondissement de Paris[2]. Elle démissionne toutefois rapidement, expliquant : « mes idées, mon engagement ne collaient pas avec mon travail ». En 2012, elle devient porte-parole du collectif contre le contrôle au faciès. Elle devient en même temps professeure de français dans un lycée au sein d'une zone d'éducation prioritaire, à Épinay-sur-Seine[3]. Elle démissionne une nouvelle fois pour voyager en Europe et aux États-Unis, et s'investit dans le militantisme bénévole ensuite[1].
Carrière
[modifier | modifier le code]Se définissant comme « journaliste par obligation », elle forme un binôme de « contre-journalistes du net »[4], selon l'expression du site Rue89, avec la journaliste Widad Ketfi, blogueuse sur Bondy Blog et cheffe d'édition pour une émission sur Canal+. Les « journactivistes » utilisent des applications comme Périscope pour mener des contre-enquêtes sur des articles ou propos qu'elles jugent diffamatoires. Elles critiquent un dossier du Figaro Magazine consacré à la ville de Saint-Denis[5]. Toujours avec Widad Ketfi, elles suivent en direct sur YouTube (sous le hashtag #DossierTabouche) l'émission de M6, diffusée le , titrée « L’islam en France : la République en échec » et présentée par le journaliste Bernard de La Villardière. Sihame Assbague dédie l'émission à Adama Traoré. L'anthropologue Nacira Guénif-Souilamas et l'ancien consul de Tunisie en France Karim Azouz ont participé à cette émission suivie par 500 à 800 internautes[4].
Elle explique avoir bénéficié de réseaux sociaux qui ont permis « d'établir de nouveaux rapports de force, et de rendre visible cette parole que l'on a tant voulu occulter »[6]. Ses différentes interventions sur Twitter (réseau sur lequel elle compte 24 000 abonnés en 2016[4]) au sujet d'un certain nombre d'affaires liées à des comportements racistes, à des abus ou à des violences policières sont relevées par les médias[7],[8],[9].
Le , lors du lancement de Contre-attaque(s) — plateforme internet de lutte contre l’islamophobie publiée sous la direction de Alain Gresh —, Sihame Assbague est membre de son comité de rédaction[10],[11].
Selon la réalisatrice afroféministe Amandine Gay, le parcours professionnel de personnalités comme Sihame Assbague, qui sont qualifiées de « militantes » ne leur permet pas d'accéder aux fonctions auxquelles elles pourraient espérer[12].
Engagement militant
[modifier | modifier le code]En 2005, la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré, deux adolescents de la banlieue parisienne, est un drame déterminant dans sa construction personnelle :
« Ces deux jeunes qui meurent, ça aurait pu être mes frères : il y a un point d’identification très fort. Et la réaction des médias, les sorties de Nicolas Sarkozy ont alimenté ma colère : cet événement, c’est le point de rupture[1]. »
Entrepreneuse sociale, Sihame Assbague se définit en comme « féministe intersectionnelle » — « prenant en compte la triple oppression de race, de genre et de classe » — et fait la promotion du community organizing (organisation communautaire), un mode de militantisme dont Saul Alinsky est considéré comme le fondateur et qui promet de rendre le pouvoir aux quartiers populaires[2]. Sur le plan professionnel, elle est l'associée fondatrice d'un cabinet de conseil, fondé en 2013, nommé "Studio Praxis"[13], s'inscrivant « dans la mouvance de l'entrepreneuriat social », dont la mission déclarée « est de renforcer la prise en compte de la pluralité de la société française »[14].
Laïcité
[modifier | modifier le code]Sa première expérience militante remonte à 2004, lorsqu'elle s'oppose à la loi sur les signes religieux à l’école, imposée à une camarade, alors qu'elle-même, musulmane pratiquante, ne porte pas le voile[réf. nécessaire].
Actions antiracistes
[modifier | modifier le code]Elle critique, en , le peu de résultats obtenus par l'association SOS Racisme malgré les moyens dont elle dispose grâce à ses subventions[15].
En 2016, elle donne une conférence contre l'état d'urgence à Gennevilliers aux côtés d'Alexis Bachelay, député socialiste, bras droit de Benoît Hamon[16][source insuffisante].
Stop le contrôle au faciès
[modifier | modifier le code]Le de la même année, à la suite de l'affaire Michael Brown[n 1] elle publie — avec Rokhaya Diallo — une tribune rappelant la mort de Bouna Traoré et dénonçant la différence de traitement quand des évènements comparables se produisent en France[2].
Le , alors qu'elle est porte-parole de « Stop le contrôle au faciès », elle pose une question depuis le public à Alain Juppé, qui était l'invité de l'émission Des paroles et des actes[2].
En , le collectif Stop le contrôle au faciès participe à une action en justice contre l’État français pour des contrôles de police jugés discriminatoires[3]. L'État, condamné sur cinq dossiers en appel (sur treize présentés), s'est pourvu en cassation ; la condamnation a été confirmée pour trois des cas concernés[18].
Camp d'été décolonial
[modifier | modifier le code]En , Sihame Assbague et Fania Noël[n 2] organisent un « camp d'été décolonial »[21],[22].
Les rencontres, en non-mixité, ont pour objectif d'offrir aux personnes « subissant le racisme d'État en contexte français », un espace de rencontre et de réflexion. Les participants expliquent « préférer un espace où personne ne pourra douter de la véracité de leur ressenti ou le tempérer en le taxant de "victimisation" ou de "paranoïa"[23] ». Hanane Karimi, Françoise Vergès et le porte-parole de la « Brigade anti-négrophobie » Franco Lollia y animent des ateliers de réflexion[24], tout comme Marwan Muhammad président du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF). Environ 150[22] à 180 personnes[21] se sont inscrites au camp, qui doit durer quatre jours.
Avant sa tenue, ce camp est l'objet d'une polémique nationale concernant sa non-mixité, en excluant de facto les personnes blanches. Lors de la séance des questions au gouvernement du 27 avril 2016, la ministre de l'Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem condamne fermement l'initiative[25],[26]. Des personnalités, comme la journaliste et polémiste Eugénie Bastié, le président de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme Alain Jakubowicz, ainsi que l'association SOS Racisme ou l'homme politique d'extrême droite Florian Philippot (alors au Front national) prennent publiquement position contre l'évènement et demandent son interdiction[27],[28],[29]. Le préfet la refuse, estimant « qu'il n'y avait eu ni "expression publique de racisme ou d'exclusion", ni de "trouble à l'ordre public" pouvant justifier l'interdiction de l'événement »[30].
Un collectif d'une cinquantaine d'universitaires, militants et artistes prend la défense de l'événement sur un blog de Mediapart[29]. La politologue Audrey Célestine[n 3] considère la polémique comme incarnant parfaitement la difficulté « à avoir une discussion critique non hystérique »[33].
Les organisatrices souhaitent également que les journalistes qui se rendraient au camp soient eux-mêmes « racisés » et qu’ils appartiennent à une rédaction dont le traitement du racisme leur semblait pertinent ; Mediapart accepte la condition à la suite d'un débat interne sur ce choix militant ; en revanche, pour l'hebdomadaire Marianne, il s'agit d'une « censure a priori »[34],[35],[27].
Un deuxième camp décolonial est organisé en 2017 dans un lieu confidentiel.[réf. nécessaire]
Perception de son action
[modifier | modifier le code]Intégration dans l'anti-racisme français
[modifier | modifier le code]Les acteurs historiques du combat antiraciste — la Ligue des droits de l'homme (LDH, 1898), la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra, 1927), le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap, 1949), et SOS Racisme (1984) —, qui donnent à leur lutte une dimension universaliste, réagissent différemment à la forme de militantisme adoptée par la génération des « nouveaux antiracistes » à laquelle appartient Sihame Assbague. Ainsi, « le Mrap et la LDH disent pouvoir travailler avec Sihame Assbague, Fania Noël et Houria Bouteldja – les deux associations soutiennent d’ailleurs la Marche pour la dignité –, il n’en est pas de même pour SOS Racisme. « Elles ne sont pas nos premiers ennemis », commente Blaise Cueco [responsable du mouvement pour la région parisienne et membre du bureau national]. L’association les qualifie toutefois de « mouvement raciste, car ils clivent sur des questions de couleurs de peau » ». Selon Pierre Tartakowsky (LDH), les désaccords sont « aussi une conséquence de la situation même de la gauche : « Une partie de la gauche et des Républicains porte la tendance xénophobe en l’habillant d’une pseudo-laïcité d’exclusion. Le camp antiraciste est lui-même traversé par ces courants d’idées » »[36].
Critiques de ses positionnements
[modifier | modifier le code]Sihame Assbague fait l'objet de diverses critiques, allant de l'accusation de « racisme antiblanc »[1]. Julien Salingue d'Acrimed critique ces propos qui selon lui amalgament « une militante associative, porte-parole d'un collectif dénonçant le racisme et les violences policières » avec le fait d'être « facho »[37]. « Personne ne dit que les Blancs ne peuvent pas partager le combat antiraciste. Au contraire. Mais comme pour toutes les autres oppressions, il appartient aux concernés de s’organiser et de lutter pour leur émancipation[1]. »
Publication
[modifier | modifier le code]- (en) Sihame Assbague, Wissam Xelka, Saïd Bouanama, Nacira Guénif, Maboula Soumahoro, Patrick Simon et Julien Talpin, « Political anti-racism and class », Mouvements, vol. 100, no 4, , p. 169 (ISSN 1291-6412, lire en ligne, consulté le )
- Assbague, Sihame. « Wikipédia, ou la discrète neutralisation de l’antiracisme. Enquête sur la fabrique quotidienne d’un géant encyclopédique », Revue du Crieur, vol. 21, no. 2, 2022, pp. 140-159.
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- Le , Michael Brown, un Afro-Américain âgé de 18 ans, non armé au moment des faits, est abattu par un policier à Ferguson (Missouri)[17].
- Fania Noël, membre du Collectif Mwasi[19], est, comme Sihame Assbague, proche du Parti des indigènes de la République et du collectif Stop le contrôle au faciès[20].
- Audrey Célestine, Docteure en science politique de l’IEP de Paris[31], est maître de conférences à l’université Lille 3 et chercheuse au CECILLE et à l’Institut des Sciences Sociales du Politique (Nanterre)[32].
Références
[modifier | modifier le code]- Rachid Laïreche, « Sihame Assbague : la révolte tous azimuts », sur Libération,
- Mathieu Dejean, « Sihame Assbague, de “Stop le contrôle au faciès” : portrait d’une révoltée », sur lesinrocks.com, (consulté le ).
- Sylvain Mouillard et Frantz Durupt, « Plongée chez les nouveaux antiracistes », sur Libération.fr, (consulté le ).
- Alice Maruani #DossierTabouche : Bernard de La Villardière piraté en direct Rue89, 29 septembre 2016.
- Sihame Assbague et Widad Ketfi, « Le Figaro à Saint-Denis : Désinformation-sur-Seine », sur Acrimed, .
- « Les organisatrices du camp d'été décolonial », sur Vice,
- « W9 assume la censure de l'hommage de Black M à Adama Traoré », sur Streetpress,
- « Manifestants gazés dans le Val d'Oise un jour après la mort d'un jeune homme pendant son interpellation », sur Huffington Post,
- « #JePorteMaJupeCommeJeVeux, Twitter à la rescousse d'une collégienne exclue pour une jupe trop longue », sur rtl.fr, .
- « Contre-attaque(s) : “Il faut répondre à l’islamophobie” », sur rue89.nouvelobs.com, .
- « Qui sommes-nous ? », sur contre-attaques.org.
- Yaëlle Amsellem-Mainguy, Régis Cortéséro Régis et Emmanuel Porte Emmanuel, « Activisme, militantisme, engagement et éducation populaire. Regards croisés », Les cahiers de la LCD, vol. 8, no 3, , p. 65-79 (DOI 10.3917/clcd.008.0065, lire en ligne)
- Eve Szeftel, Le Maire et les barbares, Paris, Albin Michel, , 288 p. (ISBN 978-2226448255), chapitre : "studio praxis aux manettes".
- Dossier de Presse, « Conférence internationale », dans le cadre de la Chaire Unesco « politiques urbaines et citoyenneté », « Les communautés : problème ou solution ? » [PDF], (consulté le ), p. 10 et 14.
- « SOS Racisme. Mouvement antiraciste ou pro de l’événementiel ? », Humanité.fr, 7 août 2015.
- Claude Ardid, Malika Bret, Nadège Hubert, Qui veut tuer la laïcité ?, Éditions Eyrolles, Paris, 2020.
- (en) Ben Kesling, « Vigil for Missouri Teen Turns Violent », sur online.wsj.com, (consulté le ).
- Julia Pascual, « Contrôles au faciès : après la condamnation de l’État, la police devra changer ses pratiques », Le Monde, (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le ).
- Dounia Hadni, « Fania Noël : le combat entre soi », sur liberation.fr, (consulté le )
- Catherine Daudenhan, « Le « camp d’été décolonial » gère la polémique », sur estrepublicain.fr, .
- « Camp d'été "décolonial" à Reims : la polémique enfle », sur francetvinfo.fr, (consulté le ).
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- Faïza Zerouala, « Au camp d'été décolonial, les « racisés » plaident pour l'autonomie », sur mediapart.fr, .
- « France : à Reims, un camp de formation à l’antiracisme fait grincer quelques dents » Jeune Afrique, 26 août 2016.
- Vallaud-Belkacem face au "camp d'été" interdit aux blancs Challenges, 28 avril 2016
- « Belkacem condamne le camp d’été décolonial », Le Figaro, (lire en ligne).
- Jack Dion, « Édito/Humeur : Quand Mediapart blanchit la censure chère au "Camp d'été décolonial" », sur marianne.net, .
- Eugénie Bastié, « Un camp d'été « décolonial » interdit aux blancs », sur lefigaro.fr,
- Maxime Bourdier, « Le camp d'été "décolonial" à Reims ne sera pas interdit », sur huffingtonpost.fr,
- « Camp d'été décolonial : malgré l'opposition, la préfecture de la Marne n'interdira pas l'événement », sur Franceinfo, (consulté le )
- « Fiche A. Célestine », sur cecille.recherche.univ-lille3.fr
- « Audrey Célestine », sur laviedesidees.fr
- Iris Deroeux, « Nacira Guénif: "On ne peut pas parler de racisme sans parler de race" », sur mediapart.fr, (consulté le )
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- Juliette Gramaglia, « Polémique autour d'une journaliste envoyée au "camp décolonial" : Raphaël Enthoven et Marianne attaquent. Mediapart se défend », sur arretsurimage.net, .
- Warda Mohamed, « « Gauche blanche », « racisés », « non concernés » : ces clivages qui agitent la lutte et les mouvements antiracistes », sur bastamag.net, (consulté le ).
- Julien Salingue, « Bruno Roger-Petit traque les « fachos » : polémiste ou faussaire ? », sur Acrimed, .
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Assa Traore et Elsa Vigoureux, Lettre à Adama, Editions du Seuil, (ISBN 978-2-02-136900-7, lire en ligne)
Radio
[modifier | modifier le code]- Sihame Assbague, « Antiracisme : touche pas à ma lutte ? » [audio], sur franceculture.fr, , 44 min (émission Du Grain à moudre d'été, par Raphaël Bourgois et Mélanie Chalandon)
Articles connexes
[modifier | modifier le code]Liens externes
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