Mycotoxine
Les mycotoxines (du grec ancien μύκης : « champignon » ; et toxine) sont des toxines élaborées par diverses espèces de champignons microscopiques telles que les moisissures (Aspergillus sp., Fusarium sp., Stachybotrys sp., Penicillium sp., etc.)
Ce sont des molécules de faible poids moléculaire (< 1 000 daltons), le plus souvent thermostables en milieu non aqueux. Difficilement dégradables, elles peuvent subsister dans les denrées même après l'élimination des moisissures.
Le terme de « mycotoxine » est utilisé pour décrire des métabolites présentant une action toxique à faible dose sur les animaux, par opposition aux termes de phytotoxine ou antibiotique utilisés pour décrire des métabolites qui présentent une action toxique à faible dose sur les plantes et les bactéries respectivement. En France[1], l'usage veut que l'on réserve le terme de « mycotoxine » aux seules toxines extracellulaires (et non aux toxines intracellulaires, comme celles produites par l'ergot du seigle ou l'amanite phalloïde).
Une étude montre l'importance de la contamination notamment de la farine et du riz[2],[3],[4].
Risques pour l'humain
[modifier | modifier le code]Il existe deux types de contamination : alimentaire et aérienne.
Contamination alimentaire
[modifier | modifier le code]En 1985, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) estimait que 25 % des récoltes de légumes, fruits et céréales dans le monde étaient affectées par des mycotoxines[réf. souhaitée], ce qui a pour effet de réduire la nourriture, tant végétale qu'animale, disponible au niveau mondial. De plus, les mycotoxines sont responsables d’intoxications aiguës parfois mortelles, notamment chez les animaux d’élevage, et d’intoxications chroniques.
La présence de certains contaminants génotoxiques et cancérogènes dans les viandes, les légumes, céréales et oléagineux affecte doublement la chaîne alimentaire de l’humain : par leur consommation directe et via les animaux, mais aussi par inhalation ou contact cutané. Ces risques sont considérés comme un problème majeur de santé publique[5].
Contamination aérienne
[modifier | modifier le code]Le rôle des moisissures domestiques de l’environnement est reconnu dans le développement des pneumopathies interstitielles diffuses (PID) et d'affections neurotoxiques de type parkinsonien ou d'affections proches de la maladie d'Alzheimer (en anglais Alzheimer-like) frappant singulièrement des sujets jeunes (avant 50 ans)[6].
Réalisées par une entreprise spécialisée, les recherches mycologiques spécifiques au domicile, découvrent le plus souvent des moisissures domestiques diverses, en particulier Stachybotrys chartarum fréquemment impliqué dans le syndrome du bâtiment malsain (en anglais : sick building syndrome).
Après un déménagement définitif, les paramètres cliniques, radiologiques, biologiques et fonctionnels des patients se normalisent le plus souvent. Le diagnostic à retenir est plus celui de PID secondaire aux mycotoxines (empoisonnement toxique) qu’une pneumopathie d’hypersensibilité aux moisissures domestiques (maladie de type allergie). Les PID provoquées par les moisissures domestiques doivent être documentées et imposent de réaliser un diagnostic environnemental et sérologique pour ne pas méconnaître certains aérocontaminants fongiques ayant un rôle allergique et/ou toxique[7].
Mycotoxicité
[modifier | modifier le code]Une espèce donnée de champignon microscopique peut générer plusieurs types de mycotoxines, et une même mycotoxine peut être produite par plusieurs espèces de moisissures.
Elle peut avoir un effet aigu (dû à l'effet d'accumulation des mycotoxines dans un organe comme le foie) ou chronique sur l'humain.
Des effets hépatotoxiques, neurotoxiques, mutagènes, tératogènes, cancérigènes et immunosuppresseurs ont été prouvés expérimentalement chez l'animal. Ces risques sont encore mal connus, mais ils sont de plus en plus pris en compte, notamment par la réglementation communautaire qui fixe des limites maximales de teneurs en mycotoxines dans les aliments et dans l'air respiré. Cette notion de risque distingue les mycotoxines des antibiotiques naturels, qui doivent d'ailleurs être considérés comme appartenant à la même famille.
Un des modes d'action des mycotoxines serait l'accroissement de la production d'acide tartrique qui, en entrant en compétition avec l'acide malique dans le cycle de Krebs diminue la production d'ATP. Ceci peut entraîner divers symptômes comme l'asthénie ou l'hypersomnie diurne.[réf. souhaitée]
Toxines
[modifier | modifier le code]Les toxines se retrouvent dans le mycélium et les spores mais surtout se diffusent dans le substrat qu'elles contaminent même après la destruction du champignon responsable de leur production. Ces métabolites sont dits « secondaires » : ils ne sont pas directement nécessaires à la vie du champignon. En revanche, indirectement, ils font partie de leur arsenal chimique de défense contre les concurrents (bactéries, autres champignons, ou animaux). Peu labiles, ils sont souvent actifs à très faibles doses et résistants aux traitements biologiques et à la chaleur modérée (donc à la cuisson, par exemple).
Les principales mycotoxines sont :
- l'aflatoxine chez Aspergillus,
- l'ochratoxine A chez Penicillium et Aspergillus,
- la patuline chez Penicillium et Byssochlamys,
- la citrinine chez Penicillium citrinum[8],
- l'agaritine chez Agaricus
- les toxines de Fusarium (fumonisines, zéaralénone, trichothécènes dont la DON, etc.),
- la toxine d' Alternaria (alternariol),
- l'alcaloïde de l'ergot chez Claviceps,
- la stérigmatocystine,
- la paxilline chez Penicillium paxilli.
Prévention et décontamination
[modifier | modifier le code]La prévention de la contamination des matières premières par des mycotoxines peut consister en l’utilisation de fongicides inhibant la croissance des moisissures, ou la sélection génétique de plantes résistantes à l’invasion. À cela s'ajoutent les soins apportés lors du stockage (séchage, contrôle de la température, de l’humidité et de l’oxygénation dans les silos) :
- les méthodes physiques : lavage, séchage, broyage, tris manuels ou mécanisés des gousses ou des amandes, séparation mécanique de la coque et de la peau qui sont le lieu essentiel de contamination, traitement par choc thermique, torréfaction…
- les méthodes chimiques : traitement à l’ammoniaque des tourteaux d’arachides. La détoxification par l’ammoniac sous pression se prête bien au traitement des tourteaux d’arachides ou d’autres oléagineux qui arrivent par bateau ;
- les méthodes biologiques comme l’addition d’inhibiteur de moisissures (propionate) ou comme la dilution (amalgame ou mélange) de grains contaminés avec des grains non contaminés pour l’alimentation animale (interdite dans certains pays).
Certaines pratiques accroissent les risques, et il convient bien sûr de les éviter. Mais, en l'état actuel des connaissances scientifiques et techniques et ce malgré les améliorations apportées aux techniques de production et de stockage, on ne sait empêcher complètement le développement des moisissures. Il est probable que cela ne soit pas possible sans employer des moyens ayant plus d'effets secondaires négatifs, notamment sur le plan écologique, mais aussi sur le plan de la santé. En conséquence, la présence de mycotoxines dans les denrées alimentaires ne peut être totalement éliminée. Cette présence est par ailleurs fortement dépendante des conditions climatiques, et donc variable selon les années.
D'autre part, il n'est pas possible d'éliminer les mycotoxines au niveau de la préparation des denrées sans altérer la valeur alimentaire des produits.
La seule prévention possible est donc d'écarter de la chaîne alimentaire les aliments « trop » contaminés. En fixant le « trop » au niveau adéquat, ce qui n'a rien d'évident entre les réactions des producteurs (considérant les normes comme toujours trop dures) et les exigences sécuritaires (normes toujours trop tolérantes). Sachant que plus le niveau d'exigence est élevé, plus les coûts augmentent (tests, isolement, élimination ou recyclage par des filières non alimentaire…) et moins le bénéfice sanitaire est sensible (par rapport à un niveau d'exigence plus faible mais déjà efficace).
Dans l'Union européenne, les normes concernant les mycotoxines les plus courantes sont fixées par le Règlement 1881/2006[9].
Production et purification de toxines
[modifier | modifier le code]On procède tout d'abord à la mise en culture d'un champignon produisant la toxine que l'on souhaite obtenir. Par exemple, on incubera en boîte de Petri sur une gélose nutritive de type gélose à l'extrait de malt des semences de blé contaminés par du Fusarium. L'incubation se fait à température ambiante durant 5 à 7 jours.
La purification se fait ensuite à l'aide d'une chromatographie flash (ou flash chromatography). Les toxines sont alors séparées du reste du matériel biologique.
L'identification se fait par la suite par spectrométrie de masse et à l'aide d'une étude toxicologique.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Claude Moreau, Moisissures toxiques dans l'alimentation, Paris, Masson, 1974 (OCLC 1266547)
- Redbran, « De puissants cancérigènes naturels découverts dans ces aliments quotidiens », sur Techno-Science.net,
- Sher Ali, Bruna Battaglini Franco, Vanessa Theodoro Rezende, Lucas Gabriel Dionisio Freire, Esther Lima de Paiva, Maria Clara Fogacio Haikal, Eloiza Leme Guerra, Roice Eliana Rosim, Fernando Gustavo Tonin, Ivan Savioli Ferraz, Luiz Antonio Del Ciampo, Carlos Augusto Fernandes de Oliveira, « Exposure assessment of children to dietary mycotoxins: A pilot study conducted in Ribeirão Preto, São Paulo, Brazil », Food Research International, vol. 180, no 114087, (ISSN 0963-9969, DOI 10.1016/j.foodres.2024.114087, lire en ligne)
- Mohamed Haddad, « Les mycotoxines dans les céréales et autres aliments : une menace pour la santé, un défi pour la sécurité alimentaire », sur The Conversation,
- (en) Joint FAO/WHO Expert Committee on Food Additives (2001: Geneva, Switzerland), World Health Organization, International Programme on Chemical Safety, Evaluation of certain mycotoxins in food : fifty-sixth report of the Joint FAO/WHO Expert Committee on Food Additives, Genève, World Health Organization, , 74 p. (lire en ligne [PDF])
- (en) Pestka JJ, Yike I, Dearborn DG, Ward MD, Harkema JR. « Stachybotrys chartarum, trichothecene mycotoxins, and damp building-related illness: new insights into a public health enigma » Toxicol Sci. juillet 2008;104(1):4-26.
- Blanc AL, Delhaes L, Copin MC, Stach B, Faivre JB, Wallaert B. « Pneumopathie interstitielle diffuse secondaire aux moisissures domestiques » [Interstitial lung disease due to domestic moulds] Rev Mal Respir. septembre 2011;28(7):913-8. DOI 10.1016/j.rmr.2011.01.013
- R. Champion, Identifier les Champignons Transmis par les Semences, INRA éditions, mars 1997
- Règlement 1881/2006 consolidé
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Mycotoxicologie
- Liste de champignons toxiques
- Toxicité des graminées
- Toxicologie
- Toxicologie alimentaire
- Mycologie
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- INRS, Fiche toxicologique sur les mycotoxines [PDF](2011),
- INRS, Mycotoxines en milieu de travail [PDF]
Liens externes
[modifier | modifier le code]- À propos des Mycotoxines dans la chaine de production des céréales (Concerted Action EU Project PL98-4094)
- Conséquences des mycotoxines environnementales chez l'homme [1]
- Une thèse de doctorat de 261 pages au format pdf, " Évaluation du risque de contamination alimentaire en mycotoxines néphrotoxiques et cancérogènes (notamment l’ochratoxine A) Validation de biomarqueurs d’exposition et d’effet " [2]