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Mers et lacs de Titan

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Mosaïque d'images radar en fausse couleur de la région polaire nord de Titan, prises par la sonde Cassini et mettant en évidence des mers, des lacs et des réseaux de rivières d'hydrocarbures. La couleur bleue représente les zones faiblement réfléchissantes au radar, vraisemblablement des lacs d'éthane ou de méthane liquide et d'azote dissous. Des photographies en lumière visible suggèrent que Kraken Mare, la grande zone en bas à gauche, est environ deux fois plus étendue que sur cette image[1]. Ligeia Mare est située en bas à droite, Punga Mare juste au-dessus du centre, Bolsena Lacus en haut à gauche, Kivu Lacus au-dessus du pôle et Sparrow Lacus à gauche en diagonale de celle-ci.

Les mers et les lacs de Titan, satellite naturel de Saturne, sont des étendues d'hydrocarbures liquides.

Observation

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La possibilité de mers de méthane liquide sur Titan est suggérée pour la première fois sur la base des données transmises par les sondes Voyager en 1980 et 1981, qui montrent que le satellite possède une atmosphère épaisse comportant la température et la composition correctes pour permettre leur existence. La première preuve directe est obtenue en 1995, après que d'autres observations depuis la Terre ont également suggéré leur existence, soit sous forme de poches isolées, soit sous la forme d'un océan recouvrant toute la lune[2].

Découverte

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Lors de son exploration du système de Saturne, la sonde Cassini confirme la présence de lacs d'hydrocarbures disjoints, quoique pas immédiatement. À son arrivée en 2004, on espère détecter de tels lacs grâce à la réflexion de la lumière du Soleil à leur surface, mais aucune réflexion spéculaire n'est initialement observée[3].

La recherche s'oriente vers les pôles de Titan, où il reste possible que des lacs d'éthane et de méthane liquides puissent exister en abondance de façon stable[4]. Au pôle sud, une zone sombre nommée Ontario Lacus devient le premier lac potentiel identifié, probablement créé par les nuages observés dans la région[5]. Une côte éventuelle est également identifiée au pôle par imagerie radar[6]. Le , à la suite d'un survol pendant lequel Cassini image au radar les latitudes nord de Titan, un certain nombre de grandes nappes lisses (et donc sombres au radar) constellent la surface du satellite près du pôle[7]. Sur la base de ces observations, l'existence presque certaine de lacs de méthane est officiellement annoncée en [4],[8]. L'équipe de la mission Cassini–Huygens conclut que ces caractéristiques correspondent très certainement à des lacs d'hydrocarbures, les premières étendues liquides stables trouvées sur un objet céleste en dehors de la Terre. Certaines semblent posséder des canaux associés et se situent dans des dépressions topographiques[4].

Observations ultérieures

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À la suite d'un survol de Cassini en , les observations (au radar et en lumière visible) révèlent plusieurs zones dans la région polaire nord qui peuvent être de grandes étendues de méthane ou d'éthane liquides, y compris un lac de plus de 100 000 km2 (plus grand que le lac Supérieur) et une mer potentiellement aussi grande que la mer Caspienne[9]. Un survol de la région polaire sud en révèle des zones similaires, ressemblant à des lacs, mais plus petites[10].

Lors d'un survol proche en , Ontario Lacus est observé dans la région polaire sud et différents constituants sont identifiés. Sur la base de ces observations, il est déduit qu'au moins un des grands lacs de Titan contient véritablement du liquide, qu'il s'agit d'hydrocarbures et que la présence d'éthane est confirmée[11],[12].

Les découvertes aux pôles contrastent avec celles de la sonde Huygens, qui atterrit près de l'équateur de Titan le . Les images prises par la sonde pendant sa descente ne mettent en évidence aucune étendue liquide mais indiquent cependant que des liquides ont certainement été présents dans un passé récent, montrant des collines basses parcourues par des canaux de drainage sombres conduisant à une grande région sombre et plate. Initialement, cette région est interprétée comme un lac d'une substance fluide ou pâteuse, mais il est désormais certain que Huygens a atterri à l'intérieur de cette plaine et qu'elle est solide, composée d'un sable de grains de glace[13]. Les images transmises par la sonde depuis le sol montrent une plaine plate recouverte de cailloux arrondis, ce qui pourrait indiquer l'action de fluides[14].

Le dernier survol de Titan par Cassini en 2017 a montré que certains lacs de l'hémisphère nord ont une profondeur pouvant dépasser 100 mètres, contiennent majoritairement du méthane et sont la source d'écoulements subsurfaces[15]. Plusieurs lacs de l'hémisphère nord feraient l'objet de variations saisonnières pouvant aller jusqu'à l'assèchement[16].

La stabilité à long terme des lacs reste encore à observer. Des modèles des oscillations de la circulation atmosphérique de Titan suggèrent qu'au cours d'une année saturnienne, les liquides sont transportés depuis la région équatoriale jusqu'au pôle où ils tombent sous forme de pluie. Ceci pourrait expliquer la relative sécheresse de l'équateur[17].

Altitudes et « niveau de la mer »

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Une étude parue en 2018 montre que les plus grands lacs de Titan seraient au même niveau, suivant un même géopotentiel et formant donc un « niveau de la mer » comme sur Terre. Les lacs plus petits, eux, sont généralement à des altitudes plus élevées. Les petits lacs de méthane aux bords abrupts pourraient être des maars résultant de la vaporisation explosive d'azote liquide en sub-surface[18].

Nomenclature

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Image radar de lacs d'hydrocarbures sur Titan, prise par la sonde Cassini en 2006. Bolsena Lacus est dans le coin bas droite, avec Sotonera Lacus juste au-dessus sur sa gauche. Koitere Lacus et Neagh Lacus sont visibles vers le milieu, respectivement vers la gauche et la droite. Mackay Lacus est située vers le haut, à gauche.

L'Union astronomique internationale donne le nom de « lac », en latin lacus (pluriel laci), aux zones de Titan dont on pense qu'ils sont des lacs d'hydrocarbures. Ils sont nommés d'après des lacs terrestres[19]. Les grands lacs portent le nom de « mer », en latin mare (pluriel maria), et sont nommés d'après des monstres marins légendaires[19].

Les zones suivantes sont identifiées comme maria[20] :

Nom Coordonnées Diamètre (km)
Kraken Mare 68° N, 310° O +1 170,
Ligeia Mare 79° N, 248° O +0500,
Punga Mare 85° N, 340° O +0380,

Les zones suivantes sont identifiées comme lacus[21] :

Nom Coordonnées Diamètre (km)
Abaya Lacus 73° 10′ N, 45° 33′ O +065,
Albano Lacus 65° 54′ N, 236° 24′ O +006,
Atitlán Lacus 69° 18′ N, 238° 48′ O +014,
Bolsena Lacus 75° 45′ N, 10° 17′ O +101,
Cardiel Lacus 70° 12′ N, 206° 30′ O +022,
Cayuga Lacus 69° 48′ N, 230° 00′ O +023,
Feia Lacus 73° 42′ N, 64° 25′ O +047,
Freeman Lacus 73° 36′ N, 211° 06′ O +026,
Jingpo Lacus 73° N, 336° O +240,
Junín Lacus 66° 54′ N, 236° 54′ O +006,
Kivu Lacus 87° N, 121° O +078,
Koitere Lacus 79° 24′ N, 36° 08′ O +068,
Lanao Lacus 71° 00′ N, 217° 42′ O +035,
Logtak Lacus 70° 48′ N, 226° 06′ O +014,
Mackay Lacus 78° 19′ N, 97° 32′ O +180,
Mývatn Lacus 78° 11′ N, 135° 17′ O +055,
Neagh Lacus 81° 07′ N, 32° 10′ O +098,
Ohrid Lacus 71° 48′ N, 221° 54′ O +017,
Oneida Lacus 76° 08′ N, 131° 50′ O +051,
Ontario Lacus 72° S, 183° O +235,
Sevan Lacus 69° 42′ N, 225° 36′ O +047,
Sotonera Lacus 76° 45′ N, 17° 29′ O +063,
Sparrow Lacus 84° 18′ N, 64° 42′ O +081,
Towada Lacus 71° 24′ N, 244° 12′ O +024,
Uvs Lacus 69° 36′ N, 245° 42′ O +027,
Vänern Lacus 70° 24′ N, 223° 06′ O +044,
Waikare Lacus 81° 36′ N, 126° 00′ O +053,

Références

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  1. « Exploring the Wetlands of Titan », JPL - Cassini, (consulté le )
  2. (en) Dermott, S. F.; Sagan, C., « Tidal effects of disconnected hydrocarbon seas on Titan », Nature, vol. 374,‎ {{{2}}}, p. 238-240 (DOI 10.1038/374238a0, résumé)
  3. H. Bortman, « Titan: Where's the Wet Stuff? », Astrobiology Magazine, (consulté le )
  4. a b et c (en) E.R Stofan, C. Elachi, et al., « The lakes of Titan », Nature, vol. 445, no 1,‎ {{{2}}}, p. 61–64 (DOI 10.1038/nature05438, résumé)
  5. Emily Lakdawalla, « Dark Spot Near the South Pole: A Candidate Lake on Titan? », The Planetary Society, (consulté le )
  6. « NASA Cassini Radar Images Show Dramatic Shoreline on Titan », Jet Propulsion Laboratory, (consulté le )
  7. « PIA08630: Lakes on Titan », NASA/JPL - NASA Planetary Photojournal (consulté le )
  8. « Titan Has Liquid Lakes, Scientists Report in Nature », NASA/JPL, (consulté le )
  9. « Cassini Spacecraft Images Seas on Saturn's Moon Titan », NASA, (consulté le )
  10. E. Lakdawalla, « News flash: Lakes at Titan's south pole, too, on top of the land of lakes in the north », The Planetary Society, (consulté le )
  11. « NASA Confirms Liquid Lake on Saturn Moon », NASA, (consulté le )
  12. A. Hadhazy, « Scientists Confirm Liquid Lake, Beach on Saturn's Moon Titan », Scientific American, (consulté le )
  13. « Titan probe's pebble 'bash-down' », BBC News, (consulté le )
  14. E. Lakdawalla, « New Images from the Huygens Probe: Shorelines and Channels, But an Apparently Dry Surface », The Planetary Society, (consulté le )
  15. (en) M. Mastrogiuseppe, V. Poggiali, A. G. Hayes et al., « Deep and methane-rich lakes on Titan », Nature Astronomy,‎ (lire en ligne).
  16. (en) Shannon M. MacKenzie,  Jason W. Barnes, Jason D. Hofgartner et al., « The case for seasonal surface changes at Titan’s lake district », Nature Astronomy,‎ (lire en ligne).
  17. « Tropical Titan », astrobio.net, (consulté le )
  18. (en) Giuseppe Mitri, Jonathan I. Lunine, Marco Mastrogiuseppe et Valerio Poggiali, « Possible explosion crater origin of small lake basins with raised rims on Titan », Nature Geoscience, vol. 12, no 10,‎ , p. 791-796 (DOI 10.1038/s41561-019-0429-0).
  19. a et b « Categories for Naming Features on Planets and Satellites », Gazetteer of Planetary Nomenclature (consulté le )
  20. « Titan Nomenclature: Mare, maria », Gazetteer of Planetary Nomenclature (consulté le )
  21. « Titan Nomenclature: Lacus, lacus », Gazetteer of Planetary Nomenclature (consulté le )

Articles connexes

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Liens externes

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