Massilia (paquebot)
Massilia | |
Le Massilia à Bordeaux, vers 1930. | |
Type | Paquebot |
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Histoire | |
Chantier naval | Forges et Chantiers de la Méditerranée[1], La Seyne-sur-Mer |
Lancement | 1914 |
Mise en service | 1920 |
Statut | Sabordé en 1944, démoli en 1945 |
Caractéristiques techniques | |
Longueur | 175,0 m[1] |
Maître-bau | 19,54 m |
Tonnage | 15 363 tonnes |
Caractéristiques commerciales | |
Passagers | 1 000 |
Carrière | |
Armateur | Compagnie de navigation Sud-Atlantique |
Pavillon | France - Bordeaux |
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Le Massilia est un paquebot de ligne de la Compagnie de navigation Sud-Atlantique, lancé en 1914. Il est célèbre pour avoir été réquisitionné lors de la défaite militaire de 1940 et pour avoir transporté des personnalités politiques vers les territoires de l'Afrique française du Nord[2].
Le , lors d'un Conseil des ministres, le gouvernement Reynaud, replié à Bordeaux, se déchire. D'un côté, les membres (dont Reynaud) favorables à une continuation de la lutte qui pourrait être dirigée hors de la métropole. De l'autre, les partisans de l'armistice représentés par Philippe Pétain. Au terme d'échanges tumultueux, la proposition d'union franco-britannique défendue par de Gaulle est rejetée, Reynaud mis en minorité et remplacé par Pétain à la tête d'un nouveau gouvernement.
Toutefois, l'idée d'un départ de membres du gouvernement et de parlementaires vers l'Afrique du Nord n'est pas abandonnée. À titre d'exemple, le président de la République Albert Lebrun pense que : « le gouvernement aura toujours avantage pour négocier librement [l'armistice] à se trouver hors de portée des troupes ennemies »[3]. Finalement, après de nombreuses défections, ce ne sont que quelques hommes politiques sans pouvoir de décision qui embarqueront le à bord du Massilia, dont 27 parlementaires, à destination de Casablanca.
Histoire
[modifier | modifier le code]Après son lancement en 1914, la Première Guerre mondiale interrompt sa construction, qui n'est achevée qu'en 1920. Il est exploité sur la ligne de l'Atlantique-Sud par la Compagnie de navigation Sud-Atlantique jusqu'à la Seconde Guerre mondiale[4] (Bordeaux - Lisbonne - Rio de Janeiro - Santos - Montevideo - Buenos Aires).
Exil républicain espagnol
[modifier | modifier le code]Le navire est connu dans l'histoire de l'exil républicain espagnol pour avoir permis le départ vers l'Amérique du sud de nombreuses figures intellectuelles et artistiques antifranquistes comme l'écrivaine Elena Fortún[5] et le peintre Manuel Ángeles Ortiz. Ce voyage commence dans le port de la Pallice, à La Rochelle, le et se termine à Buenos Aires[6] le [7].
Seconde Guerre mondiale
[modifier | modifier le code]Le départ de 1940 a été organisé par Édouard Barthe[8]. Nul doute que les volontaires au départ auraient été plus nombreux si l’information avait été connue plus tôt et si Pétain n'avait pas interdit à tous les membres du gouvernement sur le départ de quitter la ville[9].
Parmi les passagers les plus connus (par ordre alphabétique) :
- Paul Bastid, ancien ministre ;
- Marcel Brout, député ;
- Julien Cain, administrateur de la Bibliothèque nationale
- César Campinchi, député, ancien ministre de la Marine ;
- Hélène Campinchi, chargée de mission au ministère de la Marine ;
- Édouard Daladier, député, ancien ministre de la Guerre et ancien président du Conseil, et ses deux fils ;
- Gabriel Delattre, député ;
- Yvon Delbos, député, ancien ministre de l'Éducation nationale;
- Joseph Denais, député ;
- Galandou Diouf, député ;
- Marius Dubois, député ;
- André Dupont, député ;
- Léandre Dupré, député ;
- Salomon Grumbach, député ;
- Jean-Marie Guastavino, député ;
- Georges Huisman, directeur général des Beaux-Arts, et sa famille ;
- Jacques Ibert, compositeur ;
- André Le Troquer, député ;
- Georges Lévy-Alphandéry, député. En 1945, il fera partie du jury condamnant à mort le maréchal Pétain ;
- Georges Mandel, député, ancien ministre de l'Intérieur avec sa compagne Béatrice Bretty et sa maîtresse Deva Dassy ;
- Pierre Mendès France, député, ancien sous-secrétaire d'État au Trésor, lieutenant d'aviation et sa famille ;
- Camille Perfetti, député ;
- Jean Perrin, physicien, chimiste, et sa compagne Nine Choucroun ;
- Edgard Pisani, alors étudiant ;
- Bernard Quénault de La Groudière, député ;
- Alexandra Roubé-Jansky, écrivain ;
- Antoinette Sasse, artiste peintre ;
- Jammy Schmidt, député ;
- Jean-Marie Thomas, député ;
- Michel Tony-Révillon, sénateur (en 1945, il est juré au procès de Pétain) ;
- Pierre Viénot, député ;
- Alex Wiltzer, député ;
- Jean Zay, député, ancien ministre de l'Éducation nationale et des Beaux-Arts, sous-lieutenant et sa famille[10].
D'autres députés font défection au moment du départ, comme Édouard Herriot, Louis Marin ou Gratien Candace.
Embarqués du port du Verdon en aval de Bordeaux, le Massilia reste d'abord bloqué un jour en raison d'une grève de l'équipage qui refusait d'appareiller par hostilité envers les parlementaires[11] et n'appareille que le [12], soit quatre jours après la formation du gouvernement Pétain et la veille de la signature de l'armistice.
Les voyageurs montèrent à bord parmi une centaine de civils, les autres des 500 passagers étant des militaires et des matelots. Dans l’atmosphère d’anti-parlementarisme qui sévissait à l’époque, cette arrivée impromptue fut particulièrement mal vécue. Sifflets et insultes de l’équipage saluèrent ceux qui étaient considérés comme des « fuyards ». Les mécontents étaient peu sensibles à l’argumentation selon laquelle un gouvernement ne pouvait prendre de décisions sereines sous la pression de l’ennemi. Il est vrai aussi que bon nombre de membres d’équipage, qui arrivaient d’Alger, ne s’attendaient pas à repartir illico en Afrique du Nord.
Il n'arrive à Casablanca que trois jours après, le , car certains députés ayant envisagé de faire route vers l'Angleterre et de s'y réfugier, le paquebot a dû attendre en mer des autorisations du consul du Royaume-Uni qui n'ont pas été accordées.
À leur arrivée, une foule hostile les attend sur les quais et les passagers sont consignés pour les protéger dans un grand hôtel de Casablanca par le Résident général Noguès, mais pour Raymond Forni c'est à la suite d'un contre-ordre de l'amiral Darlan[13]. Ceux qui étaient considérés comme mobilisés en tant qu'officiers, Pierre Mendès France, Pierre Viénot, Alex Wiltzer et Jean Zay, sont arrêtés par le nouveau pouvoir le à Casablanca, rapatriés en métropole et traduits devant le Tribunal militaire de Clermont-Ferrand pour « désertion devant l'ennemi » (alors qu'ils voulaient au contraire poursuivre le combat depuis l'Afrique du Nord). Trois d'entre eux sont condamnés le à des peines de prison et à dix ans de privation de droits civils.
Le , les vingt-trois autres parlementaires étaient autorisés à regagner la France, soit sept jours après le vote des pleins pouvoirs constituants au maréchal Pétain. Les parlementaires embarqués étaient quasiment tous de gauche ou de centre-gauche, qui se sont trouvés de ce fait absents des débats. Certains, comme Édouard Daladier et Georges Mandel, sont accusés par le régime de Vichy d'être responsables de la défaite et jugés avec d'autres officiers comme le général Maurice Gamelin au cours du Procès de Riom en 1942. Ces décisions ont été annulées en 1946.
Le Massilia sert ensuite de transport de troupes du Régime de Vichy entre la France et l'Afrique du Nord. En 1944, il est pris et coulé par les Allemands à Marseille afin de bloquer le port[4].
Passagers du Massilia
[modifier | modifier le code]-
Scan de la liste dactylographiée des passagers du S/S Massilia (par la Compagnie de Navigation des Chargeurs Réunis) partis du Verdon et débarqués à Casablanca le (1/2).
-
Scan de la liste dactylographiée des passagers du S/S Massilia (par la Compagnie de Navigation des Chargeurs Réunis) partis du Verdon et débarqués à Casablanca le (2/2).
- Jacqueline Bardin, sculptrice (1906-)
- Paul Bastid (Cantal, radical-socialiste), et sa femme Suzanne Basdevant
- Jean-Pierre Berger, officier de l'armée de l'air
- Jean-Charles Bloch (1921-)
- Béatrice Bretty (1893-1982), comédienne
- Marcel Brout député (Seine, Union populaire française)
- Julien Cain (1887-1974), administrateur de la Bibliothèque nationale
- César Campinchi, député (Corse, radical-socialiste), ancien ministre de la Marine, et sa femme Hélène Landry, magistrate[Information douteuse]
- Camille Catalan député (Gers, radical-socialiste)
- Nine Choucroun, maître de recherches au CNRS
- Madame veuve Fernand Crémieux (1857-1928)
- Suzanne Crémieux (Parti radical-socialiste,cabinet de Marc Rucart, ministre de la santé)
- Marie-Lou de Crussol née Béziers (femme d'Emmanuel de Crussol d'Uzès (1902-1952)[14]
- Édouard Daladier député (Vaucluse, radical-socialiste)
- Gabriel Delattre député (Ardennes, radical-socialiste)
- Yvon Delbos député (Dordogne, radical-socialiste)
- Général Delphin, commandant militaire de la Chambre des députés
- Roger Deleplanque, journaliste, directeur politique du journal Le Petit Bleu, ainsi que son fils Henri.
- Joseph Denais député (Seine, Fédération républicaine)
- Marius Dubois député (Oran, SFIO)
- Jean Dufay, astronome
- André Dupont député (Eure, SFIO)
- Léandre Dupré, médecin hygiéniste (1900-), député (Pas-de-Calais, SFIO)
- Galandou Diouf (Sénégal, Gauche indépendante)
- Adrien Faur, huissier de la chambre des députés (1892-)
- Louis Gagniard, professeur à la faculté de Strasbourg
- Bernard de La Groudière député (Manche, Fédération républicaine)
- Salomon Grumbach député (Tarn, SFIO)
- Jean-Marie Guastavino député (Alger, radical-socialiste)
- Joseph Gutzeju, attaché parlementaire (1901-)
- Nam Haguenauer, chargé de mission au ministère des Postes et Télécommunications (1894-)
- Suzanne Kohn, aviatrice sœur d'Antoinette Sachs aussi passagère voir ci-dessous
- Maurice Hubert, fonctionnaire (1909-)
- Georges Huisman, directeur des Beaux-Arts
- Jacques Ibert, directeur de la Villa Médicis, et sa femme Rosette Veber, sculptrice
- Robert Lazurick député (Cher, SFIO)
- Marie-Anne Lambert, cantatrice, fille de Charles Lambert et qui sera connue plus tard sous le nom de scène de Deva Dassy, maîtresse à cette époque de Georges Mandel
- André Le Troquer député (Seine, SFIO)
- Georges Lévy-Alphandéry (Haute-Marne, radical-socialiste)
- Philippe Lévy-Alphandéry (1936-), avec sa mère et sa grand-mère Céleste Valabrègue, fils du député
- Guy Manant, industriel
- Georges Mandel député (Gironde, Républicain indépendant)
- Pierre Mendès France député (Eure, radical-socialiste), sa femme Lily et leurs fils Bernard et Michel
- Lydie Medsioe (1916-)
- Lucien Meyer, huissier de la chambre des députés (1900-)
- Camille Perfetti député (Haute-Marne, radical-socialiste), questeur.
- Jean Perrin, professeur à la Sorbonne
- Edgard Pisani, fiancé de Colette Le Troquer, fille d'André Le Troquer
- Antoinette Sachs, Antoinette Kohn de son nom de jeune-fille artiste peintre et sœur de Suzanne Kohn aussi passagère (voir ci-dessus)
- Robert Servan-Schreiber (1880-1966), journaliste, avec sa femme Suzanne Crémieux (1895-1976) et leurs filles Marie-Claire et Marie-Geneviève.
- Jammy Schmidt député (Oise, radical-socialiste)
- Jean-Marie Thomas député (Saône-et-Loire, SFIO)
- Andrée Viénot, épouse de Pierre Viénot
- Gilles Viénot, étudiant, neveu de Pierre Viénot
- Pierre Viénot député (Ardennes, SFIO)
- Alex Wiltzer député (Moselle, Action populaire)
- Jean Zay, député (Loiret, radical-socialiste), ancien ministre de l'Éducation nationale, sa femme Madeleine et leur fille Catherine.
- Léon Zay, journaliste, directeur du quotidien Le Progrès du Loiret
- Michel Tony-Révillon sénateur (Ain, radical-socialiste).
Notes et références
[modifier | modifier le code]- 1930, Lloyd's Register.
- Christiane Rimbaud, L'Affaire du Massilia, été 40, Paris, Le Seuil, 1984.
- L'invasion 1940, ouvrage collectif, p.263, Éditions Tallandier, 280 p., 1978.
- « Massilia, paquebot de la Compagnie de navigation Sud-Atlantique », sur Maîtres du Vent - MDV (consulté le ).
- (es) « Elena Fortún », sur Leer.es (consulté le )
- (es) La Región Internacional, « Buenos Aires conmemora la llegada de los exiliados españoles en el Massilia », sur La Región Internacional (consulté le )
- (es) Bárbara Ortuño Martínez, « «En busca de un submarino». Crónica a bordo del buque insignia del exilio republicano en Argentina: el Massilia », Cahiers de civilisation espagnole contemporaine. De 1808 au temps présent, no 9, (ISSN 1957-7761, DOI 10.4000/ccec.4242, lire en ligne, consulté le )
- Celui-ci était questeur de la Chambre lorsque celle-ci s'était réunie à l'École Anatole-France à Bordeaux le pour débattre de l'opportunité de demander un armistice à l'initiative de Jean Mistler ; parmi les parlementaires favorables à continuer le combat depuis l'Afrique du Nord, citons : Paul Giaccobi, Paul Ramadier, Michel Tony-Révillon, Camille Blaisot ou encore André Le Troquer
- https://www.sudouest.fr/2010/06/15/l-exil-rate-du-massilia-117235-4626.php
- L'ensemble de ces personnes, à l'exception d'Edgar Pisani, sont citées dans l'hebdomadaire Je suis partout, 7 mars 1941, page 2.
- Quid, 2007.
- « 70e anniversaire de l’appel du 18 juin 1940 – 21 juin », sur assembleenationale.fr, Assemblée nationale (consulté le ).
- Discours de Raymond Forni lors du colloque international à l'Assemblée nationale « Le 18 juin, combats et commémorations », 22 juin 2000.
- Base roglo.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Christiane Rimbaud, L'Affaire du Massilia - été 1940, Éditions du Seuil, coll. « Histoire », 1984, 253 p. (ISBN 978-2020067645).
Film documentaire
[modifier | modifier le code]- Virginie Linhart, : le piège du « Massilia », 2010, 52 min, production : Effervescence.