Le Péril de notre marine marchande/01
Le problème de l’organisation de nos transports maritimes se pose aujourd’hui avec une exceptionnelle gravité. Il n’est pas seulement d’un intérêt immédiat : il ne suffit pas de savoir, en présence du développement donné à la campagne sous-marine allemande, comment nous assurerons notre ravitaillement au cours des hostilités. La question dépasse les cadres de la conflagration européenne ; elle se posera surtout lorsqu’il s’agira de jouir des bienfaits d’une victoire chèrement payée, en utilisant les routes commerciales du monde. Quand le « feu des guerres s’en ira éteint, » ainsi que disaient nos vieux chroniqueurs, et que les sous-marins ennemis auront purgé les saines profondeurs de l’Océan de leurs coques sournoises, n’y laissant que leur sillage d’opprobre et de barbarie, alors s’ouvrira une ère de calme et de soulagement dont profiteront les navires. Ceux-ci, avides d’accaparer les débouchés qui s’offriront à eux, connaîtront une activité sans précédent.
Songeons, en effet, aux besoins qu’il faudra satisfaire, par suite de la reprise soudaine des relations normales entre l’Europe et les pays d’outre-mer. L’interruption des communications entre la France et ses colonies a laissé en souffrance une foule d’intérêts auxquels il y aura lieu de pourvoir. Des marchandises de transit se sont accumulées partout, faute de bâtimens pour les charger ; des sources d’approvisionnemens se sont taries pour le même motif. En France, certaines industries ont dû se consacrer aux travaux de la Défense nationale. Que la paix survienne ! De toutes parts, les frets seront recherchés, afin de dégager les ports congestionnés par la paralysie des organes de transport ; les mines, les établissemens de colonisation se lanceront dans une exploitation intensive, sous la poussée stimulante de la cherté des prix. Enfin, la France, soucieuse de panser ses blessures économiques, aura à cœur de rétablir le cours du change en s’armant pour l’exportation. Le trafic des passagers, gêné par la menace des pirates teutons, reprendra avec une activité toute particulière. Peut-être serons-nous même obligés d’assurer un va-et-vient d’émigration entre la métropole et les colonies, afin de compenser par l’emploi de la main-d’œuvre indigène les vides creusés par les batailles dans les rangs des travailleurs français.
Il y aura de beaux jours pour la marine marchande dans un monde délivré de l’oppression germanique, et qui n’aspirera qu’aux joies réconfortantes de la lutte des idées et des capitaux. Mais plus les besoins seront grands, plus âpre sera la concurrence. Là, comme dans toutes les branches industrielles, et peut-être plus qu’ailleurs, nous subirons les lois inéluctables de l’offre et de la demande.
Nous avons vu, en raison des circonstances que nous venons d’exposer, combien la « demande » de fret sera ardente. Quelle sera l’« offre » que, sous forme de tonnage disponible, les marines marchandes des différens pays pourront jeter sur le marché ? Cette guerre dévastatrice aura détruit des vies humaines et englouti d’incalculables richesses. À cet égard, la flotte marchande aura payé un bien lourd tribut à la sauvagerie austro-allemande.
Aux premiers jours des hostilités, la flotte mondiale jaugeait au total 48 millions de tonneaux, dans lesquels la torpille et le canon ont creusé des brèches profondes. — À ce propos, nous nous excusons d’être contraint, pour la nécessité de notre argumentation, de faire, au cours de cette étude, un abus de chiffres et de tonneaux. — Le tonnage brut de l’Angleterre, qui était de 21 500 000 tonneaux pour 14 395 navires avant la guerre, est tombé au 25 août 1916 à 19 935 799 tonneaux pour 13 456 navires, y compris ceux, construits ou saisis, incorporés dans la flotte de la Grande-Bretagne. La France, qui possédait 2 192 navires pour un tonnage brut de 2 498 000 tonneaux, avait perdu à la fin de 1916, par destruction ou saisie, près de 400 000 tonneaux de jauge.
Nos ennemis ont encore plus souffert de la guerre, surtout du fait de la saisie, puisque l’ensemble de leur tonnage, qui était de 7 040 000 tonneaux en 1914, n’est plus que de 4 798 572 tonneaux en août 1916. On peut apprécier que, dans l’ensemble du tonnage allié ou neutre, le total des destructions effectives entraînées du fait de la guerre se monte, au 1er janvier 1917, à 3 125 000 tonneaux, et le pourcentage de ces destructions ne fait malheureusement que croître à mesure que s’accentue le blocus sous-marin allemand.
Au moment même où leur utilisation serait la plus désirée, la guerre aura donc pratiqué des coupes sombres dans la forêt des mâts et des cheminées qui jalonnent les mers. Aussi, combien imprévoyante serait la nation qui n’aurait pas fait tous ses efforts pour reconstituer sa flotte, éprouvée par la rafale guerrière ! Tout le problème de l’après-guerre consiste à préparer une flotte au moins équivalente à celle qui aura été détruite, et à répondre par une mise en chantier à toute annonce de bâtiment coulé.
En ce qui concerne la France, cette nécessité apparaît comme d’autant plus évidente que sa situation maritime était, avant le 2 août 1914, loin de répondre aux exigences du pays.
Nous venons de voir, en effet, que le montant du tonnage français, par rapport à l’ensemble du shipping mondial, était dans le rapport de 2,5 environ à 48, c’est-à-dire qu’il représentait 5,20 pour 100 du tonnage total. Or, notre pays, à cheval sur deux mers, possédant de vastes et lointaines colonies, et appelé à recevoir de l’extérieur une grande quantité de matières premières, lourdes et encombrantes, nécessaires à son industrie, réclame un trafic maritime que notre flotte est impuissante à absorber.
De ce fait, nous nous trouvions payer avant la guerre, sous forme de fret, des sommes considérables à l’armement étranger. Durant les hostilités, par suite de l’élévation du taux des frets et des réquisitions de l’Etat, cette subvention déguisée a atteint des proportions qui ont fâcheusement influé sur le cours du change. Un auteur[1] a calculé que la France avait payé aux nations alliées ou neutres une rançon de 160 millions par mois. « Nos importations étant, en effet, de trois millions de tonnes, à raison de 60 francs de fret moyen, c’est donc 200 millions de fret par mois en chiffres ronds que nous payons. Sur cet ensemble, le pavillon étranger figure pour 74 pour 100. » Je me contente d’enregistrer ces chiffres, bien qu’ils me paraissent aujourd’hui un peu faibles, pour mieux faire ressortir l’urgence des remèdes à apporter à un état de choses si préjudiciable à nos intérêts généraux.
Dans la plupart des pays étrangers, des préparatifs sont faits en vue de l’après-guerre. Partout, le mouvement de l’opinion publique, les projets élaborés et les mesures prises par les gouvernemens tendent à favoriser le développement de la marine marchande. Voyons donc ce que les autres ont fait dans ce domaine. Nous parlerons d’abord de nos ennemis, ensuite des neutres, puis de nos alliés, et nous comparerons leurs divers efforts à ceux qui ont été accomplis par la France.
Depuis la déclaration de guerre, le trafic maritime allemand a été complètement arrêté par les croisières franco-britanniques, sauf en Baltique où les fournitures de charbon à la Scandinavie ont permis aux armateurs d’outre-Rhin de réaliser des bénéfices appréciables. Nos ennemis ne se sont malheureusement pas laissé endormir par cette léthargie de leur marine marchande et ils l’ont, au contraire, mise à profit pour préparer leur expansion économique future.
Un correspondant danois du Berlingske Tidende exprimait en ces termes son étonnement lors d’une visite qu’il fit à Hambourg, dans le courant de juin 1916, au directeur de la Hamburg Amerika Linie : Herr Ballin. « Je pensais, dit-il, le trouver à son appartement privé où ses loisirs involontaires lui permettraient de demeurer ; mais, au contraire, on ne pouvait le rencontrer que dans le vaste établissement de la Hamburg Amerika Linie, lequel ressemblait à une ruche bourdonnante, rempli de gens affairés, avec ses portes battant continuellement et le tic-tac des machines à écrire. »
Le correspondant du Berlingske Tidende nous conte son entrevue et nous apprend que la Hamburg America Linie construit actuellement le Bismarck, le plus grand paquebot connu, qui atteint 56 000 tonneaux ; le vapeur à turbines Tirpitz, d’environ 30 000 tonneaux, et trois autres vapeurs de 22 000 tonneaux. Herr Ballin a, en outre, ajouté :
« Nous n’avons pas moins de neuf vapeurs en cours de construction au chantier Vulcan, à Brème, et quatre de ces bâtimens, ayant chacun une portée en lourd de 18 000 tonnes, seront les plus grands cargos du monde. Il y a quelques jours, nous avons passé aux chantiers de Flensburg, où se trouvent déjà trois grands cargos mixtes en construction pour notre compte, la commande de deux bâtimens de 13 000 tonnes. Deux cargo-boats de 17 000 tonnes, destinés au trafic du canal de Panama, sont construits pour notre compte par Texklenburg, de Gestmünde.
« La Hamburg-Sudamerikanische fait construire le Cap-Polonio, sister-ship considérablement perfectionné du Cap Trafalgar. Le Norddeutscher Lloyd a mis sur cale à Dantzig deux grands vapeurs rapides, le Columbus et l’Hindenburg, de 35 000 tonneaux, ainsi que le Munchen et le Zeppelin de 16 000 tonneaux chacun, et douze bâtimens d’environ 12 000 tonneaux. L’Afrika Linie fait construire six vapeurs, la Hansa huit et la Kosmos dix, dont les caractéristiques varient entre 9 000 et 13 000 tonneaux.
« Ces chiffres, même s’ils sont incomplets, — car je n’ai pas en mains les détails concernant les nouvelles constructions des autres Compagnies, — prouveront que ceux qui sont intéressés dans la marine marchande n’ont pas l’intention de se croiser les mains sur les genoux après la guerre. Nous savons, en effet, que nous aurons peut-être à soutenir une guerre économique acharnée, lorsque les Compagnies maritimes de nos ennemis d’aujourd’hui s’allieront pour nous combattre. »
Il entre, sans doute, un certain bluff dans les déclarations de l’ami personnel du Kaiser, du grand directeur allemand dont la devise orgueilleuse est : « Mein feld ist die Welt[2], » et qui personnifie si bien les aspirations maritimes germaniques. On peut se convaincre cependant, à l’aide de renseignemens puisés aux sources les plus sérieuses, de ce que veulent faire les Allemands.
Le tonnage maritime en construction dans leurs chantiers avant la guerre est passé de 556 345 tonneaux en 1910 à 1 345 877 tonneaux en 1913 dont 458 755 ont été terminés au cours de cette même année. Il restait donc en construction 887 122 tonneaux au début de 1914. Or, une liste publiée par l’Amirauté britannique et renfermant des informations précises relatives aux différens chantiers navals allemands, jusqu’au mois de septembre 1916, nous permet de savoir ce que ces chantiers ont entrepris depuis le 31 décembre 1913. Soit : en 1914, 31 navires, dont 27 avaient ensemble un tonnage brut de 176 280 tonneaux, le tonnage des quatre autres bâtimens n’étant pas déterminé ; en 1915, 31 navires, dont 18 avaient un tonnage global de 148 550 tonneaux, et 13 sur les dimensions desquels on ne nous donne aucun renseignement.
Ces chiffres laissent une marge considérable aux hypothèses. On peut raisonnablement supposer que les navires le tonnage indéterminé sont, en moyenne, plus petits que ceux dont les détails ont été publiés ; car, depuis le commencement de la guerre, l’Allemagne a tenu à faire connaître ses nouveaux navires marchands de dimensions exceptionnelles. Cependant, pour ne pas apprécier au-dessous de leur valeur réelle les ressources de l’ennemi, nous supposons que les navires entrepris en 1914 et 1915 sont tous en moyenne de même importance que ceux qui sont décrits exactement. Nous arrivons ainsi aux chiffres suivans : pour 1914, 31 navires donnant 202 395 tonneaux et, pour 1915, 31 navires jaugeant 255 836 tonneaux ; chiffres auxquels il convient d’ajouter celui des navires sur cale au début de 1914, tel que nous venons de le déduire, c’est-à-dire 887 122 tonneaux.
Le tonnage des navires auxquels l’Allemagne a travaillé, en 1914-1915, serait donc de 1 345 353 tonneaux sur lesquels, d’après le journal Politiken du 27 mars 1916, il aurait été achevé 566 996 tonneaux en 1914-1915, ce qui porterait à 778 357 le montant des constructions au 1er janvier 1916, ce résultat se rapproche des données de Herr Ballin. Si l’on se réfère, en effet, à ses déclarations, le directeur de la Hamburg Amerika mentionnait 62 bâtimens commandés ou actuellement en construction. Pour 54 navires, il a indiqué brièvement leur jauge globale qui serait d’au moins 765 000 tonneaux. En ajoutant à ce chiffre les 8 navires dont il ne nous a pas donné les caractéristiques et, en les comptant à raison de 6 000 tonneaux chacun, nous obtenons le total de 813 000 tonneaux environ, lequel comprend en outre les constructions échelonnées du 1er janvier au 1er juin 1916. Il n’est pas étonnant que, dans cet intervalle, celles-ci aient pu être relevées de 34 000 tonneaux.
Il apparaît, en définitive, que si la guerre devait finir aujourd’hui, l’Allemagne aurait en mains, outre ses anciens navires, les butinions achevés en 1914 et 1915 d’après le Politiken, soit 566 996 tonneaux, plus ceux qui l’ont été en 1916, approximativement 150 000 tonneaux, ce qui, en tenant compte des bâtimens en chantier (environ 800 000 tonneaux), lui permettrait de compter sur plus de 1 500 000 tonneaux de navires neufs, dans un délai relativement court, en supposant que le tonnage des navires entrepris en 1916 soit égal à celui des bâtimens achevés au cours de cette même année.
Il est d’ailleurs possible, en parcourant les articles de la presse allemande, de se rendre compte de l’unanimité de l’opinion quand il s’agit de l’avenir de la marine marchande. Il s’est créé chez nos ennemis un « Comité de guerre pour la marine » dont le but est de « négocier avec les différentes associations d’importation et d’exportation en ce qui concerne les frets, etc., au moment de la clôture des hostilités, et en vue de maintenir les intérêts de la marine marchande allemande à l’époque de la transition de l’état de guerre à l’état de paix et de la reprise du trafic d’outre-mer. » Les journaux allemands fourmillent de renseignemens et d’informations qui, journellement, permettent d’apprécier l’ardeur qui règne dans les chantiers navals et montrent quels appétits la paix doit déchaîner dans le monde des armateurs teutons. Ceux-ci ont déjà préparé des circulaires pour faire ressortir les progrès accomplis par les Compagnies au cours de la guerre, et pour essayer, avant la lettre, d’accaparer le trafic mondial.
De nouvelles lignes de navigation sont projetées pour relier Hambourg à Constantinople et au golfe Persique[3]. La Hamburg America Linie a remis à jour un ancien projet de ligne directe entre les Etats-Unis et la Péninsule Balkanique et elle est en train de former des Compagnies dans les pays neutres à l’effet d’acheter les navires allemands qui y sont internés et de s’en servir ensuite au mieux des intérêts de l’Empire. Un exemple des efforts déployés par les Allemands pour acquérir des actions dans les Compagnies de navigation neutres est enfin donné par ce fait que la Danske Lanmandsbank, placée sous le contrôle de la Deutsche Bank, aurait acheté des actions de la firme G. K. Hansen, propriétaire, directement ou indirectement, de 40 vapeurs.
Les autorités impériales secondent de leur mieux ces entreprises. La Rheinische Westfalisch Zeitung attire, en effet, l’attention (2 août 1916) sur la grande activité que l’on peut observer actuellement dans les chantiers maritimes allemands, dont un grand nombre ont récemment acquis des emplacemens considérables pour le développement de leur exploitation. Tous ces chantiers sont occupés à exécuter des commandes importantes de navires marchands en vue de la préparation pour la paix. Cet accroissement présent ou futur de la construction maritime est dû principalement aux efforts de l’Etat. En mai 1916, la Commission du budget du Reichstag demanda au gouvernement de coopérer au Comité de guerre des armateurs germaniques afin de conserver et d’accroître le tonnage allemand et, en particulier, de faciliter la construction de navires marchands en mettant à la disposition des intéressés des fonds appropriés. Les armateurs estiment qu’après la guerre il leur faudra 1 500 000 tonnes de cargos dont le prix de revient serait de 560 millions environ. Le gouvernement avancerait les deux tiers de cette somme aux armateurs. La moitié leur serait prêtée sans intérêts pour vingt ans ; l’autre moitié à 6 pour 100 d’intérêts serait remboursable en dix ans. Les navires devraient être construits dans un délai de cinq années après la conclusion de la paix.
Les journaux socialistes approuvent eux-mêmes tous les groupemens capitalistes qui tendent à favoriser le développement de la marine marchande. Un publiciste écrit, dans le Vorwærts (31 août 1916), que le groupement en syndicat est la première condition du succès des maisons allemandes dans le trafic d’exportation après la guerre. Par le syndicat, elles éviteront le risque de se concurrencer entre elles ; elles seront aussi à même de maintenir les prix sur le marché national, comme moyen de dédommagement des pertes encourues au dehors, en concurrence avec des rivaux étrangers. C’est à ces considérations qu’est principalement duc la combinaison des deux grandes compagnies maritimes, la Hamburg America Linie et la Norddeutscher Lloyd, avec un certain nombre de Compagnies plus petites, dépendant déjà plus ou moins des deux premières, pour former un grand pool maritime. Bien que cette combinaison ne soit pas encore officiellement annoncée, elle est, en fait, achevée. Elle est supportée par certaines banques et par les industries rhénanes westphaliennes.
Ainsi, nos ennemis, qui ne sont pas encore militairement abattus, rêvent déjà de dominer le monde économiquement. Heureusement, il y a loin de la coupe aux lèvres. Les milieux maritimes anglais ont affirmé avec force, en plusieurs occasions, le principe de la reprise tonne pour tonne des navires allemands en compensation des pertes subies par les marines commerciales alliées. Quand bientôt sonnera l’heure de la paix victorieuse, nous espérons bien planter le drapeau tricolore sur quelques-uns de ces beaux cargos que les Allemands construisent à grands fracas. N’importe, rien n’empêcherait que ce tonnage s’ajoutât à celui que nous aurions constitué nous-mêmes pendant la guerre !
Si l’Allemagne a pu en arriver là, qu’ont fait les neutres[4] dont les industries n’ont point été gênées par les exigences de la Défense nationale ?
La marine marchande américaine comptait avant la guerre environ 5 500 000 tonneaux comprenant 3 100 000 tonnes de bâtimens de mer et 2 400 000 tonnes de navires de grands lacs.
Dès le début des hostilités, une modification à l’article 5 du Panama Act admit au bénéfice de la nationalité américaine les navires étrangers, même construits depuis plus de cinq ans, ce qui permit de faire entrer immédiatement 132 navires ayant une jauge brute totale de 476 621 tonneaux dans la flotte commerciale des États-Unis. Au 1er juin dernier, la flotte américaine se trouva aussi augmentée de 520 000 tonneaux.
En ce qui concerne les constructions, elles n’ont jamais été plus actives. En effet, d’après le Department of Commerce and Labor, il y avait, au 1er juillet 1916, 385 vapeurs de commerce en acier pour 1 225 784 tonnes, sur cale dans les divers chantiers américains. Certains d’entre eux, comme l’Union Iron Yorks (San Francisco), construisent 31 navires jaugeant 201 158 tonneaux ; la New York Shipbuilding C°, 24 navires jaugeant 121 538 tonneaux, la Newport News Shipbuilding C°, 16 navires jaugeant 111 947 tonneaux. Presque toutes ces unités sont annoncées comme devant être lancées au printemps de cette année.
Enfin, le Bureau de la navigation vient de publier un rapport montrant qu’au 1er février 1917 les chantiers américains achevaient 403 navires jaugeant 1 495 601 tonnes brut. Pendant le mois de décembre 1916, ils ont terminé 9 navires jaugeant 25 000 tonnes et ils ont passé des contrats pour 29 navires de 105 120 tonnes. En janvier 1917, ces mêmes chantiers ont complété 10 vapeurs de 47 769 tonnes et en ont lancé 99 jaugeant 73503 tonnes. Il semble que les armateurs des États-Unis aient une tendance à négliger les paquebots pour se consacrer à la construction des cargo-boats de vitesse moyenne (11 nœuds) et à celle des bateaux-citernes. Le nombre de ces derniers navires en chantier est considérable (85 environ). Au 1er juillet 1916, les États-Unis en possédaient 152 jaugeant 597 000 tonnes brut : les Anglais 202 de 849 000 tonnes, la France 6 de 17 289 tonnes. Le bâtiment citerne est un type rêvé pour les armateurs américains : consommant lui-même du pétrole, il exige moins d’hommes, surtout moins de chauffeurs et navigue très économiquement.
Au sujet de cette fièvre de constructions navales qui agite les États-Unis, la commission de fa navigation fait observer que « history repeats itself, » c’est-à-dire qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Après les guerres du premier Empire, les États américains ont connu une ère de prospérité semblable à celle qu’ils traversent en ce moment. Tout le monde voulait faire de l’armement et de l’exportation, et des fortunes extravagantes furent ainsi réalisées. Il est aussi curieux de constater qu’on en revient en Amérique aux armemens pratiques de commerce maritime, au temps où le négociant était son propre armateur. Les grandes firmes américaines semblent vouloir reprendre cette tradition, et adopter les méthodes de la Compagnie des Indes.
On juge, par ce que nous venons de dire, de l’importance des enrichissemens présens et futurs de la flotte de commerce américaine. Le Gouvernement a, d’ailleurs, compris tout le parti qu’on pouvait tirer, pendant et surtout après la guerre, d’une marine marchande puissante. Tous ses projets tendent à en favoriser le développement. L’Etat se préoccupe même d’empêcher toute coalition qui tendrait à nuire à la libre concurrence de ses navires marchands. Le nouveau Ship Purchase Bill porte, en son article 26, que le Board aura le droit et le devoir de procéder à des enquêtes sur les mesures prises par les Gouvernemens étrangers pour favoriser ou entraver les navires américains trafiquant avec l’extérieur, et d’intervenir, le cas échéant, auprès desdits États. Mais la décision récente de l’Amérique de rompre avec nos ennemis nous fait espérer que celle-ci consentira, durant la paix, à unir ses efforts à ceux des Alliés pour combattre une concurrence qui s’affirme comme devant être aussi brutale, pour tous, sur le terrain économique que sur les champs de bataille.
Les chiffres suivans donneront une idée des résultats obtenus par les États Scandinaves.
En 1915, les 18 anciens chantiers les plus importans s’occupant de constructions navales en Norvège ont achevé 84 unités, cargos, chalutiers, chalands, etc., jaugeant 61 000 tonnes. En outre, de nouveaux établissemens se sont créés. On estime que, grâce à eux, la production annuelle atteindra 75 000 tonnes brut. Plusieurs usines commencent à construire des navires en série, par exemple : Frederikstade Mekaniske Verksted, qui entreprend des vapeurs de 3 050 tonnes de port en lourd et Trondhjems Mekaniske Verksted, qui met sur cale des bateaux de 1 800 tonnes. Au 1er janvier 1916, par suite de cet effort, les commandes en construction atteignaient 121 vapeurs d’un tonnage total de 145 000 tonneaux brut et de 5 navires à moteurs jaugeant 10 700 tonneaux.
La Norvège ne se contente pas de construire, elle achète encore des navires en Amérique. D’après le bureau de la Navigation du ministère du Commerce à Washington, 11 navires jaugeant 27 148 tonnes auraient été vendus à des armateurs Norvégiens en décembre 1916. Le Lloyd’s List, qui donne cette statistique, ajoute que, depuis le 1er juillet 1916, 105 bâtimens représentant 184 580 tonnes ont été transférés à d’autres pavillons. Les Norvégiens, à eux seuls, ont acheté 19 689 tonnes ; ils ont encore contracté de nombreux engagemens avec les maisons américaines. Le Pensylvania Shipbuilding de Philadelphie, par exemple, a sur cale pour eux 10 cargos ; divers autres chantiers travaillent également pour la Norvège.
Le Danemark a construit en 1915 pour 47 679 tonnes de navires et les commandes actuellement en mains sont très importantes. Le seul chantier de Burmeister et Wain, à Copenhague, s’occuperait, dit-on, au montage de 44 navires, dont la plupart jaugent plus de 10 000 tonneaux. Partout surgissent de nouveaux chantiers ; exemple : Rodby Havns Jernskibsvaerft qui devait ouvrir en janvier 1917. Malgré la difficulté qu’ils éprouvent à recevoir de l’acier d’Allemagne[5], tous ces établissemens n’ont pas hésité à se charger de travaux qui les occuperont pendant deux ou trois ans.
De son côté, la Suède a acheté en 1915 environ 30 000 tonnes de bâtimens, mais le nombre de ceux qui sont en construction est considérable. Un seul chantier a accepté la commande de 100 000 tonnes de vapeurs. En outre, comme au Danemark, plusieurs chantiers nouveaux sont entrés en fonctionnement ou sont projetés.
Quant à la Hollande, sa flotte s’est accrue en 1915 de 33 vapeurs et de 7 bateaux moteurs, soit 40 unités, jaugeant ensemble 121 000 tonneaux brut. Il est juste de remarquer que le tonnage de la flotte hollandaise a notablement diminué du fait des pertes enregistrées et des ventes de navires, lesquelles ont porté sur 72 500 tonneaux. La marine néerlandaise n’en comprenait pas moins 459 navires représentant 1 366 500 tonneaux au 31 décembre 1915. A la même époque, 91 unités étaient en construction, dont 70 sur les chantiers nationaux et 21 à l’étranger formant un total de 412 000 tonneaux.
Ainsi, les nations neutres ont largement profité de leur situation privilégiée comme agens de transports maritimes. Celles qui, avant la guerre, s’adressaient à l’Angleterre réservent maintenant les commandes nouvelles à leurs constructeurs nationaux auxquels sont faites des conditions particulièrement avantageuses. D’autre part, les navires neutres disponibles sont payés des prix exorbitans par les Alliés. Ces sources de profits exceptionnels ont procuré à l’industrie et au commerce maritimes neutres des capitaux considérables qui leur permettront de se développer de plus en plus et de s’assurer, la guerre terminée, une position des plus avantageuses vis-à-vis des belligérans et, principalement, vis-à-vis de nous.
Les armateurs espagnols s’efforcent eux aussi d’augmenter leurs moyens d’action ; des cales sont en construction ou projetées sur divers points du littoral, notamment dans la province de Valence. Le roi Alphonse XIII favorise ce réveil national et faisait récemment et justement observer à ses sujets qu’à l’heure actuelle, il y a en Espagne abondance de capitaux disponibles et qu’il conviendrait d’en profiter pour créer la grande industrie dont son pays a besoin pour être indépendant. L’idée, émise par le jeune et brillant souverain, a été comprise. On parle également de la fusion des flottes de La Valenciana de Vapores, de Ferer Peset Hermanos, de la Tintere et de La Navigacion Industria, réunissant 45 navires en service et cinq sur cale, en une seule compagnie, la Transmediterranea, au capital de cent millions de pesetas.
Passons maintenant à l’examen des constructions maritimes dans les pays alliés. L’Angleterre d’abord. Il ne saurait être question, naturellement, de comparer son effort à celui de la France. Sa marine de commerce était, avant la guerre, huit fois et demie plus puissante que la nôtre, avec 21 millions et demi de tonneaux brut environ. En outre, la Grande-Bretagne se trouve dans des conditions géographiques très spéciales qui lui imposent un programme d’armement particulièrement chargé. Elle a, enfin, tout spécialement souffert de la campagne sous-marine, puisqu’on estime que, du 2 août 1944 au 1er janvier 1917, elle aurait perdu plus de mille navires jaugeant 2 300 000 tonneaux, en partie récupérés par la saisie de nombreux bâtimens allemands.
Comme il fallait s’y attendre, la construction a été entravée du fait de la guerre et surtout par les besoins de l’Amirauté. La production a été, en 1915, inférieure à la moitié de celle de 1914. On s’est borné, en général, à terminer les navires qui étaient déjà avancés à la fin de 1914. La cause de cet arrêt des chantiers doit être recherchée dans la rareté de la main-d’œuvre accaparée par les travaux de l’État, et dans l’élévation du prix des matériaux. Mais la situation ne devait pas tarder à se modifier radicalement. Les torpillages sévères subis par la marine anglaise, du fait des submersibles allemands, devaient ouvrir les yeux au Gouvernement qui, en mars 1916, menaçait de prendre les constructions à son compte, en réquisitionnant les cales, si les armateurs ne se décidaient pas à s’entendre avec les constructeurs au sujet des nouveaux prix appliqués aux devis de construction. L’intérêt bien compris des uns et des autres, stimulés par la hausse des frets et par la nécessité patriotique du ravitaillement national, devait aboutir à la reprise soudaine des affaires. D’après le Lloyd’s Shipping Register du 12 novembre 1916, 2 282 769 tonneaux se construisaient sous sa surveillance, et d’autres travaux se poursuivaient sous le contrôle d’autres registres, notamment de la British Corporation. Le même Lloyd’s Register n’indiquait que 1 540 218 tonnes brut en chantier au 30 juin 1916. On juge des progrès accomplis à quatre mois d’intervalle en rapprochant ces deux chiffres. La direction du Bureau maritime des États-Unis estime que l’Angleterre a fourni en 1916 le plus fort contingent de bateaux neufs avec 619 000 tonnes contre un demi-million mis à l’eau par les États-Unis.
Des extensions considérables ont été réalisées en Écosse aux chantiers situés le long de la Clyde. Jamais ceux-ci n’ont été mieux organisés, ni mieux équipés ; jamais ils n’ont été mieux à même de rivaliser avec le reste du monde. Les armateurs recherchent de toutes les façons le moyen de relever le tonnage national, même en augmentant les superstructures du navire. L’État se préoccupe tout particulièrement de cette question. Les achats de navires à l’étranger ont été favorisés par une action diplomatique, de sorte que, malgré les pertes dont nous venons de parler, la marine du Royaume-Uni n’a guère diminué de plus de un million de tonnes net.
Cependant, la Grande-Bretagne s’organise pour pallier l’effet des futures destructions de bâtimens. Tout récemment, l’Amirauté vient d’étendre les attributions du 3e lord naval en vue d’utiliser, le plus rationnellement possible, le travail disponible pour les constructions des navires de guerre et des navires marchands. A cet effet, le ministre des Munitions a accepté de transférer à l’Amirauté tous les pouvoirs qui lui avaient été remis sur les établissemens en question. C’est dire toute l’importance que les Anglais accordent à la réfection de leur flotte marchande puisqu’ils lui donnent le pas même sur le service des munitions.
Parmi nos alliés, le Japon est un de ceux qui, ayant compris tout l’intérêt de la reconstitution de sa flotte de commerce, a pu le premier réaliser son objectif. Une récente statistique de département des Communications japonais indiquait que le nombre de navires à vapeur possédés par le Japon était de 2 146, d’un tonnage de 1 004 000, dont 6 de plus de 10 000 tonnes et 30 compris entre 6 000 et 10 000 tonneaux. Or, il existe en construction dans les chantiers nippons 132 vapeurs de plus de 100 tonnes chacun formant 593 000 tonneaux.
L’usine d’Osaka a sur cales 44 bâtimens jaugeant 201 000 tonnes ; celle de Kawasaki (Kobe) 24 navires pour 139 000 tonnes. On note un progrès constant dans l’exécution du programme de constructions maritimes. Sur le chiffre que nous venons de citer, 20 navires forment un total de 100 000 tonnes dont 9 seraient commandés, pour la seule compagnie Nippon Yusen Kabushiki Kaiska. Une nouvelle société de construction vient de se constituer à Yokohama au capital de 9 450 000 francs.
Le Japon est servi par une main-d’œuvre abondante, intelligente et facile, et l’on doit voir en lui un futur concurrent très redoutable dans tout ce qui intéresse les transports d’Extrême-Orient sur l’Europe et l’Amérique. Quant aux matières premières, il doit se les procurer en partie à l’extérieur. On évalua entre 60 000 et 100 000 tonnes la quantité de matériaux en acier achetés aux Etats-Unis depuis le commencement de la guerre. D’après les nouveaux contrats, ce sont généralement les cliens qui doivent eux-mêmes assurer aux chantiers les quantités l’acier nécessaires à l’exécution des commandes.
Le Bureau maritime des États-Unis pense que le Japon a dû accroître sa flotte en 1916 de 250 000 tonnes, soit trois fois le chiffre atteint par ses chantiers navals en 1915. En définitive, si l’on résume les efforts des trois plus importantes nations qui s’occupent de constructions navales, on arrive à ce résultat que cette année les États-Unis lanceront 1 500 000 tonnes ; les Anglais 1 000 000 tonnes ; le Japon 500 000 tonnes ; soit au total 3 millions de tonnes, ce qui suffirait à compenser en partie les pertes de navires prévues pour cette année, si la proportion des destructions demeure la même que pendant les derniers mois qui viennent de s’écouler. La presse anglaise évalue en effet les pertes totales (alliées ou neutres) subies du 1er décembre 1916 au 18 février 1917 à 726 151 tonnes, soit une moyenne de 9077 par jour et de 3 313 105 par an. Malheureusement la proportion des navires coulés tend à croître sensiblement, passant de 223 322 tonnes en décembre à 304 596 pour les dix-huit premiers jours de février.
L’Italie est certainement la nation alliée dont la condition maritime s’éloigne le moins de la nôtre : elle possédait, au 2 août 1914, 1875 navires jaugeant 1 767 916 tonneaux, ce qui la rapprochait sensiblement du tonnage français et la classait la quatrième, après le Japon, dans le rang des marines alliées.
Dès son entrée en guerre, la marine marchande italienne s’est trouvée insuffisante, de même que la nôtre, pour répondre aux besoins du pays, besoins économiques ou besoins militaires. Comme, d’autre part, l’Angleterre ne pouvait pas consacrer autant de navires qu’il eût fallu à transporter du charbon dans la Péninsule, et qu’en tout cas le fret sur navire anglais était extrêmement élevé, il en est résulté une hausse formidable du prix du charbon, prix qui a atteint, en 1916, environ 230 à 240 francs la tonne. D’où renchérissement général de la vie, crise, doléances unanimes, etc.
Le gouvernement italien a cherché à résoudre le problème par une entente avec le gouvernement anglais sur le transport du combustible et le taux du fret. Mais, en même temps, des économistes, des hommes d’affaires, des publicistes dénonçaient la cause profonde du mal qui vient de ce que l’Italie est tributaire, à cet égard, non seulement de son alliée l’Angleterre, mais encore des neutres, et provoquaient un mouvement en faveur du développement de la marine marchande.
La Ligue navale italienne, que présidait alors l’amiral Bottolo a tenu des réunions, élaboré des programmes, stimulé les ministres, secoué l’opinion. Un sénateur, qui est en même temps un économiste et qui a succédé à l’amiral Bottolo à la présidence de la Ligue lorsque l’amiral est mort, M. Maggiorino Ferraris, a donné une forte impulsion à ce mouvement et a poursuivi l’étude des mesures propres à doter l’Italie d’une marine marchande en rapport avec ses nécessités.
Sur ces entrefaites, les sous-marins austro-allemands, qui n’avaient jusqu’alors guère fait de victimes que dans les flottes commerciales française et anglaise, se sont mis à couler des navires italiens en assez grand nombre. Cet affaiblissement de la marine marchande italienne du fait des torpillages e.st devenu une raison de plus pour le public de réclamer des mesures propres à reconstituer la flotte commerciale.
Quand le Cabinet Boselli succéda au Cabinet Salandra, un nouveau ministère fut créé sous le nom de « Ministère des transports maritimes et par voies ferrées » et, dans ce nouveau département, un sous-secrétariat de la marine marchande fut institué. Le président du Conseil, M. Boselli, dans sa déclaration à la Chambre, prit l’engagement de réaliser les vœux formulés en faveur de la reconstitution de la flotte de commerce. Il a tenu parole.
Dans le courant d’août dernier ont paru un certain nombre de décrets ayant pour but de favoriser l’achat à l’étranger et la construction de navires dans les chantiers italiens. Voici, grosso modo, en quoi consistent les mesures édictées par ces décrets. Tous les vapeurs (cargos) au-dessus d’un tonnage déterminé, achetés à l’étranger par les armateurs italiens, sont exonérés de tous droits de nationalisation ou autres. Les matières premières destinées à la construction de ces cargos, mis en chantier en Italie pendant la guerre et dans un délai déterminé après la guerre, sont affranchis de tous droits de douane. Ces mêmes navires bénéficient, en outre, de l’exonération des taxes à payer à l’État, qui consent enfin des facilités (avances de fonds, etc.) aux armateurs et aux constructeurs.
Peu de temps après la promulgation de ces décrets, M. Runciman, ministre anglais du Commerce, vint en Italie et tint des conférences avec son collègue italien, M. de Nava. Dans un discours prononcé au banquet offert par la Chambre de commerce de Milan, M. Runciman déclara que le Gouvernement anglais voyait avec satisfaction le relèvement de la marine marchande italienne et ne tarderait pas à donner à celle-ci une preuve tangible de sa bonne volonté. Cette preuve, M. de Nava la fit bientôt connaître.
Dès son retour à Rome, ce dernier et son collègue M. Arlolla, ministre des Transports, ainsi que le sous-secrétaire d’Etat de la marine marchande, réunirent en commission tous les armateurs, tous les constructeurs, les représentans des Chambres de commerce des principaux ports et jetèrent les bases d’un programme de construction consistant dans la mise en chantier immédiate d’un certain nombre de cargos. Au cours de cette réunion, M. de Nava annonça que M. Runciman avait pris envers lui l’engagement suivant : l’Angleterre mettrait à la disposition de l’Italie les matières premières nécessaires aux navires ci-dessus visés, et ces matières premières seraient transportées en Italie par les cargos anglais aux conditions minima qui sont pratiquées pour le matériel servant à la défense nationale, de manière à ne pas arriver à destination grevées par un fret trop élevé.
Dès l’instant que la difficulté résultant de la matière première est levée, comme celle qui pourrait découler de la pénurie de main-d’œuvre n’est pas inquiétante, rien ne paraissait plus s’opposer à la mise en chantier d’un bon nombre de cargos, première tranche d’un programme qui s’échelonnera sur plusieurs années.
Le Giornale d’Italia a donné sur cette question les renseignemens suivans, qui sont particulièrement intéressans.
« La plus grande difficulté qui s’oppose au développement des constructions navales est l’approvisionnement en matériaux métalliques durant la crise mondiale actuelle de l’acier. Ce n’est un mystère pour aucun de ceux qui s’intéressent à ces questions, que la production nationale est maintenant complètement absorbée par les besoins de la guerre. Il fallait donc s’adresser à l’étranger, et principalement à l’Angleterre ; mais ce pays allié, malgré sa bonne volonté, a vu sa propre production absorbée par ses énormes approvisionnemens en munitions et par les non moins nombreuses constructions navales au moyen desquelles elle pourvoit au tonnage du transport mondial. Néanmoins ! les négociations qui ont eu lieu entre notre Gouvernement et le Gouvernement anglais, avec le concours empressé des ambassades respectives de Rome et de Londres, et grâce à l’intérêt personnel qu’y ont apporté les ministres Runciman et Arlotta, ont donné l’heureux résultat d’assurer, pour l’année prochaine, à partir du mois de janvier, une quantité de matériaux d’acier correspondant au travail qui sera entrepris dans nos arsenaux. En même temps, des constructeurs italiens se sont assuré en Amérique d’autres quantités de ces matériaux.
« On peut ainsi avoir la certitude que l’esprit d’initiative qui anime nos milieux maritimes saura faire fructifier les mesures de prévoyance prises par le Gouvernement au sujet de cette question des plus difficiles et produira les résultats que le pays est en droit d’attendre. »
La construction des navires a été confiée à un consortium de constructeurs maritimes italiens. Ce consortium, qui s’est constitué sur l’initiative du ministère des Transports, a décidé de mettre immédiatement en chantier 13 navires formant un total de 100 000 tonnes environ, répartis en dix chantiers différens. Il semble, d’après les déclarations ci-dessus, que la construction rapide de ces unités soit assurée par voie d’entente avec la Grande-Bretagne.
Nous ajouterons que, dans un débat qui eut lieu au Sénat italien, le 7 décembre 1916, M. Arlotta a fait connaître que son pays avait déjà réussi à se procurer 40 000 tonnes d’acier pour ses constructions navales. Nous ignorons évidemment quand l’Italie recevra le complément des têtes nécessaires pour être en mesure de réaliser intégralement son programme, mais nous ne saurions trop admirer le sens politique profond qui a guidé la diplomatie italienne dans toute cette affaire, ni trop louer l’étroite collaboration du gouvernement et des armateurs dont la Marina mercantile disait qu’ils sont « le cerveau, l’âme et la force de la marine marchande. »
Il nous reste à parler de la Belgique. Celle-ci, en pleine guerre et malgré l’occupation du pays, est parvenue à créer une marine marchande nationale. Au 1er janvier 1913, la flotte commerciale belge s’élevait à 257 065 tonneaux qui, par suite de diverses circonstances de guerre, se sont trouvés réduits à environ 170 000 tonneaux. Mais avec l’appui de l’État, une puissante Société de navigation, le Lloyd Royal belge, vient de se constituer au capital nominal de 100 millions de francs. Sa flotte comprendra, à elle seule, 90 à 100 unités représentant 500 000 à 600 000 tonneaux.
L’arrêté-loi du 19 juillet 1916 approuve les statuts de cette entreprise de navigation. L’État garantira envers les tiers l’intérêt et l’amortissement des obligations, au capital nominal de 100 millions de francs à émettre par cette Société en conformité desdits statuts. Le ministre des Finances est autorisé à prendre ferme un capital nominal de 75 millions de francs en obligations de ladite émission.
L’appui que le gouvernement belge donne à ses nationaux ne s’est pas borné là. Une nouvelle entreprise belge, dont le capital est encore constitué avec l’aide financière de l’État, va concurrencer les Compagnies françaises, sur la ligne de New-York, au départ même du Havre. C’est ce qui ressort de l’information publiée par le New York Times du 9 septembre 1916. D’après ce journal, en vue de protéger le commerce maritime de la Belgique et d’avoir des navires pour l’apport des matériaux nécessaires à la reconstitution de ses villes après la guerre, la Belgian Lloyd Steamship Company a été créée à Londres, avec un capital de 30 000 000 de dollars, pour l’établissement d’un service hebdomadaire entre New-York et le Havre. Le gouvernement belge a garanti 20 000 000 de dollars d’actions de la Compagnie à 4 pour 100.
À ce propos, le journal Le Petit Havre a publié, dans son numéro du 5 août dernier, l’entrefilet suivant : « Les dispositions prises par le gouvernement belge en vue de la création d’une importante flotte de commerce sont en pleine réalisation. En plus des achats de bateaux, le ministre belge de la Marine, M. Segers, a signé à Londres d’importans traités qui ont été ratifiés par le ministre des Finances avec l’accord du Roi. » On estime que la flotte belge, qui ne comportait jusqu’ici que 170 000 tonnes, sera très rapidement portée à près d’un million de tonnes.
Ces mesures ne sont qu’une des manifestations du mouvement en faveur de la marine marchande que les Belges sont parvenus à faire aboutir grâce aux ressources que la Belgique a obtenues de ses Alliés. Par ailleurs, le Gouvernement royal a usé d’une particulière bienveillance à l’égard des armateurs en ne réquisitionnant que 20 pour 100 de leur tonnage pour les besoins militaires, et en affrétant leurs navires pour la « Commission for Relief » avec seulement 25 pour 100 de réduction sur les taux courans des frets, enfin en ne frappant d’aucune taxe spéciale les bénéfices réalisés par l’armement commercial.
Après avoir ainsi passé en revue les principaux peuples ennemis, neutres ou alliés, arrivons à notre marine marchande.
Au cours de cette guerre, la France a surpris le monde non pas seulement par la valeur légendaire de ses soldats, mais aussi bien par la force et l’imprévu de sa production industrielle. Quelques mois après l’ouverture des hostilités, quand s’organisa l’usinage intensif des munitions, alors qu’il s’agissait d’un travail entièrement nouveau et que rien n’avait été préparé dans cette hypothèse, directeurs, ingénieurs, ouvriers se mirent résolument à la tâche. Ni les dépenses, ni les risques de premier établissement, ni les difficultés inévitables d’une fabrication débutante n’affaiblirent les courages et n’amoindrirent les espoirs de ceux qui étaient mus par la saine joie de servir les desseins de la Patrie.
Ce que fit l’industrie nationale au cours des hostilités, malgré l’invasion, pour procurer des armes au pays : métallurgie, chimie, mines, etc., l’histoire le dira plus tard. Les résultats généraux, nous les connaissons déjà : c’est le fleuve d’obus de divers calibres qui jaillit de toutes les sources, depuis le grand établissement employant plusieurs milliers d’ouvriers jusqu’au plus humble atelier familial d’où le projectile sort pièce par pièce. Pour ne parler que des chantiers de constructions navales qui nous occupent spécialement, ils se sont tous, à la demande du gouvernement, outillés pour la fabrication des obus et du matériel de guerre et ils ont largement coopéré aux fournitures intéressant la défense nationale.
lra-t-on médire maintenant de l’industrie privée ? Dira-t-on qu’elle est incapable d’efforts ? que ses dirigeans manquent d’initiative et ses ingénieurs de compétence ou d’activité ? que ses ouvriers ne savent ou ne veulent pas produire ? Allons donc ! Quand on fait appel à sa bonne volonté, elle montre ce qu’elle peut faire et l’on ne déniera point à notre monde industriel ses belles, qualités d’élan qui sont l’apanage de notre race.
Il semblerait que les constructions navales eussent dû bénéficier de cet essor et que cette partie si importante de notre production n’eût pas dû être plus négligée que celle des automobiles ou du matériel roulant des chemins de fer. Qu’a-t-on fait à cet égard ? Que pouvait-on faire ? Il me reste à répondre à ces deux questions, mais on comprendra que je le fasse avec toute la circonspection que comporte un pareil sujet. Il m’est tout particulièrement pénible de mettre en parallèle notre activité avec celle de l’Allemagne. Si je m’y essaye, c’est que j’ai la conscience de servir les intérêts généraux du pays. Celui-ci a besoin de connaître la situation telle qu’elle se présente exactement, pour mesurer à cet examen toute l’étendue des efforts à accomplir. L’histoire prouve que la France gagne à être instruite de ses lacunes, car elle est aussi prompte à les combler qu’elle est imprudente à les laisser se produire. D’ailleurs, il ne s’agit pas de critiquer l’œuvre d’ensemble qui est admirable, mais de réclamer seulement pour notre marine marchande une meilleure répartition du travail.
Le Comité des armateurs de France ne s’est pas fait faute d’appeler l’attention des autorités sur la gravité de la situation. Il a suivi, avec une anxiété croissante, les mesures auxquelles ont eu recours la plupart des pays maritimes en vue de favoriser l’expansion économique nationale. Seule, la France a été contrainte de demeurer à peu près inactive. Il semble que, jusqu’ici, elle ait assisté presque indifférente à la destruction lente et méthodique de sa flotte marchande.
Les unités disparues n’ont pas été remplacées dans une assez large mesure. Pourquoi ? Tout d’abord, il n’est plus possible d’acquérir du tonnage à l’étranger, la plupart des nations ayant interdit, non seulement le transfert du pavillon, mais même la vente des navires. Au surplus, la valeur des unités a atteint des prix insoupçonnés. La tonne de cargo, qui valait en temps normal de 200 à 250 francs, est montée à 1 000 et 1 200 francs. A des prix aussi exceptionnels devraient correspondre des amortissemens équivalens. En effet, cette plus-value n’est que momentanée. Après la guerre, l’entrée en ligne de la flotte commerciale de nos ennemis et des navires alliés saisis ou bloqués, la libération des innombrables unités actuellement retenues pour les besoins des armées entraîneront un fléchissement des cours des frets et des taux d’affrètement ; parallèlement, la valeur des navires s’abaissera pour se rapprocher du taux normal de la période de paix. À ce moment, si l’armateur n’a pas amorti la différence entre le prix de revient et la valeur réelle de ses navires, son capital sera compromis.
En outre, depuis trente mois que dure la guerre, la question du paiement des réquisitions de navires n’a pas encore été réglée. Bien plus, un projet de loi a été déposé qui tend à la réquisition totale de la flotte commerciale et des services des armateurs et de leur personnel. Il est inutile de souligner les inconvéniens, les dangers et les responsabilités que cette nouvelle immixtion de l’État en matière de réquisition pourrait entraîner. Pour l’instant, nous nous bornerons à constater que ce n’est pas par l’extension d’un régime qui a déjà tant affaibli notre industrie qu’on peut espérer la voir se relever. Les armateurs avaient souhaité au contraire que le tonnage réquisitionné fût restreint par l’attribution à la France de 70 000 tonneaux de jauge brute environ sur la flotte de commerce allemande saisie par le gouvernement portugais dès le 23 février 1916. Des communiqués à la presse ont fait état de cette attribution et la déréquisition d’un tonnage correspondant avait même été envisagée au département de la Marine. Il n’en a rien été.
Nos chantiers de constructions navales sont-ils, du moins, capables de nous procurer les navires que nous sommes impuissans à trouver à l’étranger ? Oui, certainement, si on leur donnait la main-d’œuvre et les matières premières nécessaires. Le gouvernement s’est préoccupé, en effet, d’ouvrir des crédits pour la réfection de notre flotte. Je ne veux pas m’étendre sur ce sujet non plus que sur celui de la main-d’œuvre qui pourrait, je crois, facilement être résolu par une entente avec le département de la Guerre, mais qui reste secondaire tant que le problème de l’approvisionnement en têtes n’aura pas été résolu.
Ce n’est un secret, hélas ! pour personne que l’occupation du bassin de Briey, de nos charbonnages et des principales régions qui contenaient nos hauts fourneaux produisant la tête commune, nous a mis dans l’impossibilité momentanée de suffire aux besoins de nos chantiers. Chercher à augmenter notre production en exploitant des gisemens nouveaux ou en développant notre puissance d’extraction dans les mines existantes est évidemment un but à rechercher avant tout. Dans cet esprit les mines de l’Anjou et notre bassin de Saint-Etienne travaillent à force. Des mines nouvelles sont sur le point de produire du minerai en Normandie. Cependant, ce moyen ne constituera, de toute façon, qu’un palliatif tout à fait insuffisant. Où pouvons-nous, dans ces conditions, nous adresser pour obtenir les têtes qui nous seraient si utiles ? Les États neutres sont tellement occupés à construire des navires et ils ont tellement intérêt à ne pas susciter de concurrence dans le domaine maritime que leurs marchés nous demeurent pratiquement fermés. Encore une fois, c’est vers l’Angleterre, notre généreuse alliée, que nos regards doivent se tourner.
Nous ne nous dissimulons pas que la Grande-Bretagne se trouve elle-même aux prises avec de grandes exigences industrielles. Elle doit faire face à la constitution et à l’entretien d’un matériel gigantesque. Elle aussi perd tous les jours des navires au service de la cause des Alliés et elle a le devoir de remplacer ses unités disparues. Je n’ignore pas, en outre, toute l’ampleur de l’aide matérielle que les usines du Royaume-Uni apportent à nos armées combattantes, et il serait peut-être indiscret de lui demander encore d’augmenter l’importance d’un secours dont nous lui sommes si profondément reconnais-sans. Ceci est l’affaire de notre diplomatie qui aura le tact de ne solliciter que ce qui peut lui être raisonnablement accordé, et je suis le premier à rendre hommage, à cet égard, à la façon dont notre ministre de la Marine, l’amiral Lacaze, et M. Nail, sous-secrétaire d’État à la Marine marchande, ont conduit les négociations.
Je veux dire un simple mot de ces négociations. Elles ont débuté par une assurance donnée à la Chambre syndicale des Constructeurs de navires, le 7 mars 1916, que « le gouvernement serait disposé à procurer aux chantiers, dans une mesure aussi large que le permettraient les circonstances, du personnel, ainsi que toutes facilités pour l’approvisionnement en matières premières. » Or, malgré une active correspondance, la Chambre syndicale n’a pu encore obtenir satisfaction sur le principe même de livraison des matières premières. Je ne doute pas que le Gouvernement n’ait fait tout ce qu’il était en son pouvoir de tenter, mais nous sommes enfermés dans ce dilemme : nous ne pouvons fabriquer de têtes en France parce que nos territoires sont occupés par l’ennemi et que notre production est absorbée par les besoins de l’Etat et nous ne pouvons en commander au dehors.
On nous assure cependant, que, cédant aux nombreuses démarches qui ont été faites auprès de lui, le Gouvernement a pris enfin des mesures pour livrer une certaine quantité de têtes, cornières et profilés, permettant d’abord de terminer les navires sur cale et d’entreprendre, ensuite, les nouvelles commandes faites à nos divers chantiers. Nous applaudissons d’avance à cette résolution et en attendons, avec impatience, la réalisation. Il n’est jamais trop tard pour bien faire, et je me garderai d’incriminer notre Gouvernement, dont le dévouement pour la marine marchande s’est heurté à bien des obstacles.
Le problème doit être envisagé a deux points de. vue différens. Ou bien on peut espérer que les usines anglaises seront autorisées à livrer des têtes en supplément du tonnage déjà alloué au gouvernement français, ou bien, faute de mieux, on peut considérer qu’une part sera faite aux chantiers de constructions navales sur le contingent total actuellement importé en France. De toute façon, il est évident que, pour réussir à obtenir quelque chose des autorités anglaises, il est nécessaire de ne leur demander qu’un seul contingent pour tous les besoins de la France quels qu’ils soient. On laisserait aux représentans du Gouvernement français le soin de répartir ce lot pour les ordres à donner et pour les distributions à faire entre les différens consommateurs.
Nous sommes convaincus que l’Angleterre nous accordera le maximum d’acier dont elle peut disposer en notre faveur et qu’elle ne voudra pas nous traiter moins favorablement que les autres alliés.
Même si l’Angleterre ne pouvait pas augmenter le tonnage qu’elle nous attribue, ne serait-il pas possible, cependant, de donner à la marine marchande une portion congrue ? Je connais les exigences de la Défense nationale et l’importance de la constitution d’un matériel de guerre abondant pour nos armées et pour celles de nos alliés ; mais, enfin, n’y a-t-il pas un intérêt vital pour nous à reconstituer notre flotte ? Certains besoins, peut-être moins essentiels, ne sauraient-ils pas fléchir devant l’impérieuse nécessité de réparer les dommages de guerre dont il s’agit ? Personne ne peut nier que les vaisseaux de commerce ne jouent actuellement un rôle militaire, voire comme simples cargos, au même titre que nos instrumens de transports terrestres.
Tous les besoins se tiennent dans un État bien organisé, et ceux de la marine marchande ne doivent pas être oubliés. S ? l’on n’y prend garde, à la fin de la guerre nous allons nous trouver avec une flotte appauvrie, épuisée, ayant à soutenir la concurrence de marines étrangères qui, au contraire de la nôtre, se seront renforcées et enrichies pendant les hostilités ainsi que nous venons de l’exposer. Quant aux navires qui nous resteront, ils auront été surmenés par leur service de guerre intensif et beaucoup seront dans l’impossibilité de reprendre la navigation. Sans même attendre la signature de la paix, peut-on nous garantir que le tonnage ne nous fera pas prochainement défaut, si nous ne nous mettons pas en mesure de le reconstituer ?
Nous ne saurions signaler avec trop d’insistance le danger de la période d’après-guerre pour la marine marchande française. « Un champ d’activité très large lui sera ouvert, mais elle manquera de l’outillage indispensable pour transportera Aucun sacrifice, aucun encouragement ne pourront le lui fournir au moment nécessaire. Elle verra donc lui échapper, au détriment de tous les intérêts nationaux, un trafic auquel elle ne sera pas en mesure de satisfaire et dont s’empareront des concurrens plus heureux. Quels efforts ne faudra-t-il pas déployer plus tard pour ramener ce trafic au pavillon français !
« C’est pourquoi l’œuvre urgente et capitale est de travailler dès à présent à abréger le plus possible la période critique de l’après-guerre et à atténuer sa gravité. Pour cela, il faut construire en France le plus grand nombre possible de navires de commerce. Seules les constructions réalisées en temps de guerre pourront être utilisées pour le trafic intensif qui se produira dès la fin des hostilités[6]. »
J. CHARLES-ROUX.
- ↑ Revue des Deux Mondes du 15 mai 1916 : La Crise des transports.
- ↑ « Mon champ est le monde. »
- ↑ La prise de Bagdad par nos alliés anglais rend le succès de cette ligne plus que problématique.
- ↑ Bien qu’ils soient, à l’heure où nous écrivons, « au bord de la guerre, » nous devons encore classer les États-Unis parmi les neutres, parce qu’ils ont joui jusqu’ici des avantages de la neutralité.
- ↑ Celui-ci, qui valait 100 couronnes en 1914 se paie actuellement 400 à 450 couronnes la tonne.
- ↑ Assemblée générale du Comité central des Armateurs de France (9 mars 1917).