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Action (hebdomadaire)

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Action est un journal hebdomadaire d'informations et de commentaires politiques, avec de nombreux dessinateurs humoristiques parmi lesquels Jean Effel et Siné, proche du PCF puis inféodé au PCF à partir de 1949, créé en 1943 et disparu en 1952 après un conflit en 1949 de son rédacteur en chef Pierre Hervé avec Louis Aragon[1]. Dirigé exclusivement par des résistants, il cultive originalité et non-conformisme, s'appuie sur le dessin de presse et des campagnes de publicité insolentes, et « occupe une place privilégiée dans le champ politique et littéraire d'après-guerre »[1], avec une influence qui restera « longtemps assez considérable »[2], selon l'historien de la presse française Claude Bellanger.

La création dans la Résistance

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Fondé en 1943[3] et considéré en 1944 comme « pionnier des hebdomadaires politiques »[4], le journal clandestin Action est l'organe de l'Action ouvrière, de Victor Leduc et Maurice Kriegel-Valrimont, important mouvement de résistance qui organise un congrès clandestin de résistants[5] et comprend de nombreux leaders au sein du mouvement Libération-Sud[5], qui compte dans ses rangs Jean-Pierre Vernant, René Glodek, Jeanne Modigliani, la fille du peintre du même nom, et la grande résistante Lucie Aubrac.

En juin 1943, l'Action ouvrière a été détachée des M.U.R comme organisme indépendant, avec le futur représentent la zone sud au CNR, Maurice Kriegel-Valrimont, comme délégué national, et pour mission les sabotages, la lutte contre le STO[6].

Fabriqué à Lyon dans un premier temps[5], puis dans la capitale, après l'installation à Paris de l'Action ouvrière[5], le journal est sous-titré « hebdomadaire de l’indépendance française » puis « pour la paix et la liberté »[3].

Les journalistes et la direction

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Son rédacteur en chef est Pierre Courtade, qui a travaillé auparavant à l'Agence de presse Havas[5] et il emploie également le beau-frère de Maurice Kriegel-Valrimont, Roger Lesoueuf[5]. L'équipe des secrétaires de rédaction compte dans ses rangs Jeanne Modigliani et Francis Ponge[5], qui écrit aussi et dirige les pages culturelles.

Pierre Courtade devient ensuite journaliste à L'Humanité et le poste de journaliste chargé de la politique extérieure est alors occupé par Jean-Pierre Vernant[3].

La Libération en septembre 1944

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Après la guerre, ce journal communiste résistant sort de la clandestinité sous un format d'abord quotidien puis hebdomadaire et reparait sous le même nom Action en septembre 1944[3] avec pour principal concurrent Carrefour[3], l'hebdomadaire plus à doite lancé par le patron de presse Émilien Amaury[3]. Sa rédaction affiche un esprit d’ouverture, afin d'accueillir des collaborateurs non communistes de renom[3]. Parmi eux, Maurice Cuvillon, militant socialiste dans le Nord de la France, qui est administrateur du journal mais aussi d'un autre titre né dans la Résistance, Libération. C'est pour éviter de causer du tort à Libération que Action choisit la périodicité hebdomadaire[5]. D'autres militants socialistes y participent aussi[5]. La rédaction est installée Place des Pyramides à Paris[5], dans les locaux de La Gerbe[5], un journal qui avait collaboré[5]. Le journal était alors « très à gauche, échappait à l'emprise communiste », et « dirigé par un homme jeune et récent au parti (...) choisi en fonction de ses titres de résistant » pour mieux contrôler sa rédaction [4].

L'affiche interdite de Paul Colin en "Une" du premier numéro

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La première page du premier numéro comporte le dessin d'une célèbre affiche politique à la gloire de la Libération de Paris, de Paul Colin[3], reproduisant un mur avec une barricade et deux hommes avec révolver et mitraillette, et en dessous une série de dates évocatrices, (1789 - 1830 -1848 - 1870 - 1944)[3]. L'affiche avait été interdite par les autorités au motif qu'elle pourrait inciter à la violence[7], Paul Colin dessinant ensuite d'autres affiches autorisées[8], mais il est toléré qu'elle soit mise dans le journal en vertu du principe de Liberté de la presse et parce qu'elle n'est pas affichée. L'éditorial de Maurice Kriegel-Valrimont, qui est directeur du journal, fait clairement allusion à la volonté des résistants de continuer leur combat après la guerre.

L'importance mise sur le dessin de presse

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Le journal offre ensuite un grand dessin satirique en première page chaque semaine, qui lui donne une identité visuelle forte[3], tout comme les bandes rouges qui encadrent le titre[3]. D'autres dessins de presse d’actualité figurent en page intérieure, annoncés dans le sommaire de première page avec leurs auteurs. Parmi eux, Jean Effel, Henri Monier, Pol Ferjac, William Napoléon Grove, Siné[5] et Jean Sennep[3]. Picasso y contribue aussi, de même que de nombreux intellectuels, l'hebdomadaire se voulant très axé sur la culture, sans tabou et ouvert au débat selon son directeur de l'époque Maurice Kriegel-Valrimont[5]. Il augmente sa notoriété par une publicité sous forme d'affiche visible pendant une quinzaine de jours dans le métro parisien portant le titre : « Les cons ne lisent pas Action »[5], la fin du mot conformiste n'apparaissant que plus bas, à la conception de laquelle a participé un autre contributeur au journal, l'ex-résistant Pierre Hervé[9].

Victor Leduc, de rédacteur en chef devient le directeur du journal un peu après la Libération. Le , Pierre Hervé démissionne de son mandat de député pour se consacrer au journalisme, car il est devenu rédacteur en chef de l'hebdomadaire quelques semaines plus tôt.

Dans un premier temps ne sont jamais évoquées l’URSS ou la politique du Parti Communiste[3] et les militants communistes au ton relativement indépendants par rapport à la direction y affluent.

Le changement de ligne en 1949

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Pierre Hervé est éditorialiste à l'hebdomadaire Action dès 1946 et la vivacité de sa plume en fait un point fort du journal[1], auquel contribue parfois aussi Jean-Paul Sartre, qui sera ensuite en délicatesse avec le PCF dès 1947 avant de renouer plus tard. En 1949, Victor Leduc perd son poste de directeur pour avoir soutenu Pierre Hervé en conflit avec Louis Aragon, alors très influent au sein du mouvement communiste. Ce changement de direction est imposé par la direction du PCF[1] et le titre perd ensuite une bonne partie son lectorat et de sa spécificité[1]. Pierre Hervé avait insisté sur l'autonomie de l'esthétique dès 1946 [1], l'année où apparaît le Jdanovisme artistique en Union soviétique. Il « s'opposa à Aragon, au réquisitoire duquel il dut faire face », selon l'historienne Jeannine Verdès-Leroux[1]. Le journal lui-même fut globalement hostile ou réservé par rapport à Louis Aragon[1], qui dirigeait un titre concurrent, Les Lettres françaises[1].

Pierre Hervé est remplacé par Yves Farge, et nommé responsable de Partisan de la Paix, revue du mouvement de la paix, dont Action devient rapidement l'organe officiel, prélude à sa disparition. La rubrique littéraire se réduit considérablement à partir de 1949-1951[1] et Action devient de plus en plus un journal politique, suivant la politique du PCF et du mouvement de la paix[1].

Maurice Kriegel-Valrimont dirige alors un "Bureau de presse du PCF"[4],[6] regroupant une agence centrale de publicité, une école centrale de journalistes[6], l’agence de presse Union française de l'information[4], dirigée jusqu'au 1er janvier 1950 par Jean Colombel[10], mais aussi les nombreux hebdomadaires et douze journaux quotidiens régionaux[6], mais pas les deux nationaux, L'Humanité et Ce Soir[6]. Jean Colombel quitte la direction de l'UFI le 1er janvier 1950[10], peu après un conflit avec la direction du PCF sur la chasse au Titisme, quand Maurice Thorez lui interdit de mentionner le match France-Yougoslavie dont la plupart des journaux français attendaient pourtant la couverture[10], au motif que le Kominform fustigeait la Yougoslavie du Tito. Au début des années 1960, Maurice Kriegel-Valrimont sera évincé de la direction d'un autre journal communiste France Nouvelle.

Malgré un lectorat important et des signatures prestigieuses, l'hebdomadaire voit son tirage baisser à partir de 1950 et disparait en 1952 après avoir édité un total de 397 numéros[3]. En 1958, Maurice Kriegel-Valrimont sera chargé de la rédaction en chef de l'hebdomadaire central du PCF France Nouvelle aux côtés de François Billoux qui en assurait la direction politique. L'arrêt de la parution est lié à une décision politique de la direction du PCF[11] , qui ne souhaite pas conserver un hebdomadaire dans lequel écrivent des intellectuels soupçonnés de n'être pas fidèle à sa ligne politique, selon le Bulletin de l'Association d'études et d'informations politiques internationales, lancé 15 mars 1949 par le militant de la SFIO et ex-collaborateur Georges Albertini[12], condamné à trois ans de prison après la Guerre et ensuite conseiller influent sous les IVe et Ve Républiques des gouvernements pour la lutte contre le communisme.

L'arrêt de la parution

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L'arrêt de la parution, alors que l'hebdomadaire est devenu l'organe du Mouvement de la paix[11], qui dispose de ressources importantes[11], est lié à une décision politique de la direction du PCF[11], qui ne souhaite pas conserver un hebdomadaire dans lequel écrivent des intellectuels soupçonnés de n'être pas fidèle à sa ligne politique prosoviétique, à laquelle le pacifisme et le sentiment anti-allemand, que le journal mettait en avait en avant[11], n'était pas toujours jugé compatible, selon le Bulletin de l'Association d'études et d'informations politiques internationales, lancé 15 mars 1949 par l'Association d'études et d'informations politiques internationales[13], du militant de la SFIO et ex-collaborateur Georges Albertini[12], condamné à trois ans de prison après la Guerre et ensuite conseiller influent sous les IVe et Ve Républiques des gouvernements pour la lutte contre le communisme.

Cet arrêt de la parution, en mai 1952[11], est aussi lié au fait que François Fonvieille-Alquier (1915-2003), l'un des leaders du journal, ex-directeur du journal L'Écho du Centre et premier adjoint au maire de Limoges, qui collaborait à Action depuis 1951 [14], était un ami personnel de Georges Guingouin[11], le «préfet du maquis» de Limoges, alors écarté du PCF car il restait enclin à une union même avec les résistants qui refusent la «soumission inconditionnelle» à l'Union soviétique, selon Georges Albertini[11]. Elle constitue un épisode de la crise, dans ses rapports avec le PCF, du Mouvement de la Paix[11], où des militants, actifs dans les « Comités de la Paix », estimaient que la direction du PCF « exagérait l'urssolâtrie »[11].

Bibliographie

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Notes et références

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  1. a b c d e f g h i j et k "Lecteurs et lectures des communistes d'Aragon" par Corinne Grenouillet, page 126 Presses Univ. Franche-Comté, 2000, pages 78-79 [1]
  2. Histoire générale de la presse française. De 1940 à 1968, t. IV, PUF, 1975, prix Marie-Eugène-Simon-Henri-Martin de l’Académie française en 1977, par Claude Bellanger, Jacques Godechot, Pierre Guiral et Fernand Terrou
  3. a b c d e f g h i j k l m et n Notice du journal dans "La presse satirique française", par Guillaume Doizy, Ridiculosa no 18 [2]
  4. a b c et d Article dans Libération par Olivier Bertrand — 30 décembre 1998 [3]
  5. a b c d e f g h i j k l m n et o "Mémoires rebelles" par Maurice Kriegel-Valrimont et Olivier Biffaud aux Editions Éditions Odile Jacob, 1999
  6. a b c d et e Biographie Le Maitron de Maurice Kriegel-Valrimont, par [4]
  7. "Histoire de la libération de Paris" par Adrien Dansette 1994 [5]
  8. novembre 1944. affiche de Paul Colin au Musée des arts décoratifs de Paris[6]
  9. "Un philosophe dans la Résistance" par François George, et Pierre Fougeyrollas - 2001 [7]
  10. a b et c Biographie Le Maitron de Jean Colombel<[8]
  11. a b c d e f g h i et j "Bulletin de l'Association d'études et d'informations politiques internationales", numéro du 16 au 28 février 1954 [9]
  12. a et b "L'homme de l'ombre : Georges Albertini (1911-1983)" par Laurent Lemire [10]
  13. Numéro un du Bulletin de l'Association d'études et d'informations politiques internationales, mrs 1949 [11]
  14. Biographie de François Fonvieille-Alquier [12]

Liens externes

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