L’histoire des « Justes parmi les nations » débute avec l’épisode qui se déroule du 16 au 17 juillet 1942, connu sous le nom de « Rafle du Vel’ d’Hiv’ », ou rafle du vélodrome d’hiver. Il verra l’arrestation de milliers de Juifs parisiens et la détention pendant plusieurs jours de plusieurs milliers d’entre eux, au vélodrome d’hiver de Paris, dans des conditions défiant toute humanité. Cette rafle, et ses conséquences funestes, s’est déroulée il y a 82 ans.
Cet épisode aura pour conséquence la prise de conscience de nombreux Français qui, au risque de leur vie, permettront le sauvetage de milliers de Juifs, souvent des enfants, de l’extermination. Ils se verront décerner le titre de Justes parmi les nations, par l’État hébreu.
Vichy et l’intensification de l’extermination de la population juive en France
Le 16 juillet 1942, a débuté l’une des plus grandes rafles de la Seconde Guerre mondiale. Plus de 13 000 Juifs résidant à Paris et âgés de 2 à 60 ans ont été arrêtés. Apatrides et souvent originaires d’Allemagne, d’Autriche ou de Pologne, ils seront pour la plupart déportés au camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau : très peu en reviendront.
Maintenus dans des conditions d’hygiène et de vie inhumaines, 7 600 seront transférés dans les camps du Loiret, comme le relate le site de la ville de Pithiviers : « Les 16 et 17 juillet 1942, 8 160 personnes, (1 129 hommes, 2 916 femmes, 4 115 enfants, ceux-ci étant presque tous français) sont arrêtées par la police française, à la demande des SS, et entassées pendant plusieurs jours au Val’ d’Hiv’ à Paris dans des conditions inhumaines. Environ 7 600 sont transférés dans les camps du Loiret, où rien n’a été prévu pour les accueillir. Des épidémies se déclarent. Des enfants meurent.
Les autorités françaises ont proposé qu’on déporte également les enfants, que les nazis pourtant ne réclamaient pas encore. Dans l’attente de la réponse d’Eichmann à Berlin, les Allemands décident de déporter les adultes, sans les enfants.
L’intendance de la police à la Préfecture d’Orléans constitue alors quatre convois à destination d’Auschwitz-Birkenau, avec essentiellement des pères avec leurs enfants adolescents et des mères avec les adolescentes ».
Cette rafle avait été décidée dans le cadre de la politique d’extermination de la population juive d’Europe menée par le Troisième Reich, en étroite collaboration avec le gouvernement de Vichy, présidé par le Général Pétain. Ce seront plus de 9 000 policiers et gendarmes qui seront mobilisés pour atteindre les objectifs chiffrés fixés par le Reich.
Cette politique d’extermination de la population juive avait déjà été initiée en 1940 et 1941, respectivement en zone libre et en zone occupée. Cette opération en zone occupée est aussi connue sous le nom de « rafle du billet vert » qui trace la première vague d’arrestations massives de personnes juives, souvent d’origine étrangère, sous le gouvernement de Vichy.
En juin 1942, une nouvelle planification de rafles massives est organisée pour les trois pays occupés par l’Allemagne nazie : la France, les Pays-Bas et la Belgique. Elle portera le nom de « Vent printanier ». L’Office central de la sûreté du Reich, le RSHA, attendait pour sa part que la France lui « livre 110 000 Juifs dans l’année ».
La reconnaissance des « Justes parmi les nations »
La population française, ainsi que d’autres personnes dans le monde se sont opposées à cette politique. Souvent au détriment de leur vie. Elles ont permis le sauvetage de milliers de Juifs.
C’est en 1953 que le Parlement d’Israël, la Knesset, créé le Mémorial de Yad Vashem, à Jérusalem, consacré aux victimes de la Shoah, et décide d’honorer les « Justes parmi les nations », ces personnes qui ont sauvé des Juifs, parfois au détriment de leurs propres vies.
La loi du Mémorial votée en 1953 énonce : « Yad Vashem a pour mission de rassembler sur le sol de la patrie, les souvenirs de tous ces membres du peuple juif qui ont péri et sacrifié leur vie, qui ont combattu et qui se sont soulevés contre l’ennemi nazi et ses complices, d’élever un mémorial en leur mémoire et en mémoire des communautés, organisations et institutions qu’en raison de leur appartenance au peuple juif, l’oppresseur a vouées à une destruction totale et de perpétuer le souvenir des Justes des nations.
L’origine du nom Yad Vashem figure dans le Livre d’Isaïe : « Je leur donnerai dans ma maison et dans mes murs un monument et un nom [yad vashem] meilleurs que des fils et des filles ; je leur donnerai un nom pour toujours, il ne sera jamais retranché. » (Isaïe 56:5).
« Justes parmi les nations » est la plus haute distinction décernée par l’État hébreu à des non-militaires. Selon les chiffres de 2020, c’est ainsi près de 28 000 personnes de près de 51 pays, dont principalement la France, les Pays-Bas et la Pologne, qui se sont vues décerner cette distinction.
La reconnaissance de la distinction « Juste parmi les nations », entraîne pour l’État d’Israël, certaines obligations morales et éthiques, dont le fait de reconnaître, d’honorer et de saluer tous les non-Juifs qui en dépit des risques encourus ont aidé les Juifs « au moment où ils en avaient le plus besoin ». De même l’attitude des Justes prouve aussi que même en situation difficile, il est possible de faire preuve d’humanité et de sauver son prochain.
Cette reconnaissance entraîne aussi l’octroi d’une médaille portant le nom du juste, d’un certificat officiel et l’inscription du nom du juste sur le « Mur d’Honneur », dans le « Jardin des Justes », à Yad Vashem. Par ailleurs le Juste perçoit l’équivalent du salaire mensuel moyen en Israël, sous forme de rente mensuelle. De même le Juste en difficulté sera aidé à son tour par la Fondation juive pour les Justes, qui se trouve à New York.
Justes parmi les nations
Parmi ceux qui ont bénéficié de la reconnaissance de « Justes parmi les nations », il y a eu des personnes, mais aussi des familles voire des villages. Ainsi, en France, dans la Haute-Loire, en Auvergne, le village de Chambon-sur-Lignon, de 3 000 habitants, a reçu la distinction de « Village des Justes », pour avoir sauvé près de 5 000 Juifs.
En 1964, le père Jean Fleury (1905-1982), prêtre jésuite et membre de la résistance, a été la première personne à bénéficier de la distinction de « Juste parmi les nations », en France.
Parmi les diplomates qui ont reçu cette distinction, Chiune Sugihara (1900 -1986), a sauvé des milliers de Juifs, lorsqu’il occupait le poste de consul du Japon, à Kaunas en Lituanie, au cours de la Seconde Guerre mondiale. De même, Aristides de Sousa Mendes (1885 –1954), Consul du Portugal à Bordeaux, en délivrant des visas, a pu sauver près de 30 000 personnes
La reconnaissance des Justes en France
Sous la présidence de Jacques Chirac, la France a rendu hommage aux « Justes parmi les nations » de France. Le 2 novembre 1997, dans la commune de Thonon-les-Bains, en Haute Savoie, un monument a été érigé dans « La clairière des Justes » de la forêt domaniale du Château de Ripaille. Le 18 janvier 2007, Jacques Chirac et la présidente de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, Simone Veil, ont inauguré une inscription dans la crypte du Panthéon.
À cette occasion, Jacques Chirac a rappelé l’attitude du régime de Vichy face à cette extermination de la population juive. Déjà en 1995, lors de la déclaration du 16 juillet 1995 au Vélodrome d’Hiver, Jacques Chirac avait déclaré : « La folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’État français », affirmant ainsi la responsabilité de l’État français dans la déportation des Juifs. En 2000, le 16 juillet est devenue la Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux Justes de France.
Sur la crypte du Panthéon on peut lire :
« Sous la chape de haine et de nuit tombée sur la France dans les années d’occupation, des lumières, par milliers, refusèrent de s’éteindre. Nommés " Justes parmi les nations "
ou restés anonymes, des femmes et des hommes, de toutes origines et de toutes conditions, ont sauvé des Juifs des persécutions antisémites et des camps d’extermination. Bravant les risques encourus, ils ont incarné l’honneur de la France, ses valeurs de justice, de tolérance et d’humanité. »
Extrait du discours de Mme Simone Veil, Présidente de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, prononcé le 18 janvier 2007, lors de la cérémonie au Panthéon en hommage aux Justes de France.
« Pour la plupart, vous étiez des Français " ordinaires ". Citadins ou ruraux, athées ou croyants, jeunes ou vieux, riches ou pauvres, vous avez hébergé ces familles, apporté réconfort aux adultes, tendresse aux enfants. Vous avez agi avec votre cœur parce que les menaces qui pesaient sur eux vous étaient insupportables. Vous avez obéi sous le coup d’une exigence non écrite qui primait toutes les autres. Vous n’avez pas cherché les honneurs. Vous n’en êtes que plus dignes.
On ne saura jamais exactement combien vous êtes. Certains sont morts, sans juger utile de se prévaloir de ce qu’ils avaient fait. D’autres ont cru être oubliés de ceux qu’ils avaient sauvés. D’autres enfin ont même refusé d’être honorés, considérant qu’ils n’avaient fait que leur devoir de Français, de chrétiens, de citoyens, d’hommes et de femmes envers ceux qui étaient pourchassés pour le seul crime d’être nés juifs.
Face au nazisme qui a cherché à rayer le Peuple juif de l’Histoire des hommes et à effacer toute trace des crimes perpétrés, face à ceux qui, aujourd’hui encore, nient les faits, la France s’honore, aujourd’hui, de graver de manière indélébile dans la pierre de son histoire nationale, cette page de lumière dans la nuit de la Shoah.
Pour nous qui demeurons hantés par le souvenir de nos proches, disparus en fumée, demeurés sans sépulture, pour tous ceux qui veulent un monde meilleur, plus juste et plus fraternel, débarrassé du poison de l’antisémitisme, du racisme et de la haine, ces murs résonneront désormais et à jamais de l’écho de vos voix, vous les " Justes de France " qui nous donnez des raisons d’espérer. »
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