L’ordonnance de Villers-Cotterêts, partie intégrante de la mémoire collective, évoque le plus souvent une ville, ou un château royal du même nom. Son contenu précis peut laisser des souvenirs plus flous. Il serait intéressant d’en savoir plus à ce sujet.
Qu’est-ce-que l’ordonnance de Villers-Cotterêts ?
Connue aussi sous le nom de Guillemine car elle fut rédigée par Guillaume Poyet ancien chancelier, l’ordonnance de Villers-Cotterêts fut édictée par le roi François 1er entre le 10 et le 25 août 1539 au château de Villers-Cotterêts, situé dans l’Aisne. Composée de 192 articles traitant essentiellement de l’administration du royaume, l’ordonnance doit sa notoriété aux deux articles qui rendent obligatoire l’usage du français dans les actes notariés et administratifs. L’extrait de l’article 111 se lit comme suit : « Nous voulons dorénavant que tous arrêts, ensemble toutes autres procédures, soient de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soient de registres, enquêtes, contrats, commissions, sentences, testaments et autres quelconques actes et exploits de justice ou qui en dépendent soient prononcés, enregistrés ou délivrés aux parties en langage maternel françois et non autrement ».
Jusque-là c’est le latin, la langue des érudits et la langue de l’Église qui était utilisée. Promulguée le 6 septembre 1539, l’ordonnance de Villers-Cotterêts qui n’a jamais été abrogée est donc le texte de loi le plus ancien encore en vigueur. Avec cet acte décisif considéré comme l’« acte de naissance du français », la langue française allait se répandre plus rapidement dans le royaume. Selon les sources le succès éditorial fut retentissant sur l’ensemble du pays où en quelques mois plus de 20 000 exemplaires du texte original furent imprimés.
Quelles sont les retombées de cette ordonnance ?
Au fil des siècles, l’ordonnance de Villers-Cotterêts va influer sur l’évolution de la langue française et sur les institutions du pays. L’obligation de rédiger les documents administratifs en langue maternelle va favoriser l’extension de la langue d’oïl, ancêtre du français et parlée essentiellement autour du bassin parisien et aux abords de la Loire.
L’ordonnance que signa François 1er accentuera également la centralisation du pouvoir royal. L’objectif de la politique royale était d’être compris de tous. « Et afin qu’il n’y ait cause de douter sur l’intelligence des dits arrêts, nous voulons qu’ils soient faits et écrits si clairement qu’il n’y ait ni puisse avoir aucune ambiguïté ou incertitude ni lieu à demander interprétation » peut-on lire dans l’article 110.
La diffusion des langues régionales était également souhaitée car il faut le rappeler, au XVIe siècle seul 1/4 de la population parlait le « françois ». En outre, l’ordonnance de Villers-Cotterêts rendant obligatoire l’emploi du français dans les actes de baptêmes marque la naissance de l’état civil. L’ensemble des Français étant concernés par cette ordonnance, la mesure avait ainsi une valeur unificatrice.
L’ordonnance de Villers-Cotterêts et l’essor de la langue française
Au cours du XVIIe siècle où la France représente le royaume le plus puissant d’Europe, la langue française s’affirme et devient la langue diplomatique par excellence. Tous les traités internationaux sont rédigés en français. C’est aussi la langue de l’aristocratie étroitement surveillée par l’Académie française…
Au sein du territoire, c’est à partir de la Révolution française que la langue de Molière est reconnue comme « langue de la nation toute entière ». Puis par le jeu de l’expansion coloniale la langue française se répand en Afrique et en Asie. Pour autant, bien que le français soit parlé dans toutes les cours d’Europe, il n’est guère parlé par la population française davantage tournée vers les langues régionales. Il faudra attendre la Troisième République (1875-1940) et les lois de Jules Ferry pour que se répande l’usage de la langue française au détriment des autres langues reléguées au rang de « patois ». Le XXe siècle vient parachever la suprématie de la langue française par le biais de la loi Toubon du 4 août 1994 stipulant que « la langue française est la langue de l’enseignement, du travail et des services publics », loi faisant écho à l’article 2 de la Constitution, à savoir que « la langue de la République est le français ».
L’ordonnance de Villers-Cotterêts : retour aux sources
De nos jours, cinquième langue parlée dans le monde le français est présent sur cinq continents avec 321 millions de locuteurs selon les chiffres de l’Organisation internationale de la francophonie. Dans le même temps, c’est l’anglais qui tient lieu de langue internationale depuis de nombreuses décennies.
Le 1er novembre 2023, en présence du chef de l’État, a été inaugurée au château de Villers-Cotterêts la Cité internationale de la langue française, premier espace culturel entièrement dédié à la langue française. Selon la volonté présidentielle cet espace a « l’ambition de révéler la langue française comme source de créativité et d’échanges, d’épanouissement intellectuel et esthétique, de plaisir et comme un levier d’insertion sociale, économique et citoyenne ». Le parcours d’exposition de la Cité internationale de la langue française propose aux visiteurs une pièce maîtresse prêtée par les Archives nationales : l’ordonnance de Villers-Cotterêts, de retour « en personne » sur son lieu d’origine !
L’ordonnance de Villers Cotterêts, poursuit sa trame à travers le temps et perpétue l’identité de la langue française pour les générations à venir.
Soutenez notre média par un don ! Dès 1€ via Paypal ou carte bancaire.