Droits TV: Kirch arrive, les constructeurs se rebiffent
Les droits commerciaux de la Formule 1 vont encore (pour moitié) changer de main. Un an plus tôt, Bernie Ecclestone avait vendu 50 % de sa société, la SCLEC (Slavica Ecclestone Corporation), au groupe allemand EM.TV de Thomas Haffa, pour une valeur d'1,7 milliard d'euros. Mais depuis, ce dernier est en pleine déconfiture: en moins d'un an, l'action EM.TV a perdu 90 % de sa valeur à la Bourse Francfort. À court de liquidités, Haffa est contraint de revendre ses parts. Il est en outre pressé par Bernie Ecclestone qui négocie avec la FIA la cession des droits commerciaux de la F1 à la SLEC pour... cent ans. Or, voilà des mois que Max Mosley réclame à son vieux compère le prix de cette attribution (309 millions de dollars, soit 342,8 millions d'euros). Et Ecclestone ne peut rien faire avec un partenaire défaillant comme Haffa. Ainsi, ce dernier va vendre ses actions au magnat allemand Leo Kirch, dont le groupe est l'un des leaders mondiaux de la télévision payante, et figure déjà au capital d'EM.TV. Évidemment, Kirch ne fait aucun cadeau à son interlocuteur et lui propose « seulement » 550 millions d'euros, soit la moitié de la somme déboursée en 2000... L'affaire s'annonce si bénéfique que Kirch pourrait ne pas s'arrêter là et racheter des parts à Ecclestone lui-même.
Néanmoins, ce rachat des droits commerciaux par un géant médiatique suscite la vive opposition de grands constructeurs impliqués dans la discipline, à savoir Daimler-Benz, BMW, Ford, Fiat et Renault, lesquels estiment que leurs investissements mériteraient une prise de parts dans la SLEC, ce que refuse obstinément Ecclestone depuis des années. D'autre part, les constructeurs s'inquiètent de leur visibilité médiatique, car Kirch pourrait fort bien imposer à terme la diffusion des Grands Prix en pay per view. Réunis dans une Association des constructeurs européens de l'automobile (ACEA), les cinq marques exigent donc d'abord une entrée au capital de la SLEC, puis le maintien des télédiffusions hertziennes gratuites. Elles brandissent au passage la menace d'une sécession et d'un championnat parallèle à l'horizon 2004. Bernie Ecclestone va devoir une fois encore déminer la situation pour garder la main sur son empire.
Présentation de l'épreuve
La Formule 1 retrouve Sepang cinq mois à peine après sa précédente visite, fin octobre 2000. La proximité entre ces deux événements explique en partie le peu d'attrait de ce troisième Grand Prix de Malaisie. « Le délai n'a pas été suffisant pour monter des opérations de marketing marquantes », explique Philippe Gurdjian, maître d'œuvre de l'organisation. En vérité, les tarifs pratiqués semblent excessifs et font fuir les fans les plus modestes. Résultat: dix jours avant la course, seulement 30 000 billets ont été vendus sur les 140 000 disponibles. Le président du circuit Tan Sri Basir Ismail s'alarme d'une possible débâcle financière. Il contacte le Premier ministre Mahathir Mohamad qui lui promet de mobiliser les acteurs économiques malais en faveur de cette vitrine sportive nationale. Aussitôt dit, aussitôt fait. L'autoritaire « Doctor M. » ordonne à plus de 200 présidents de sociétés d'acheter le plus de billets possible. Le coup de pression porte ses fruits: en 48 heures, 30 000 billets supplémentaires sont vendus. Mais ce n'est pas assez pour le Premier ministre qui demande à la chaîne de la télévision TV3 de préparer la suppression de la retransmission de l'épreuve... Le pétrolier national Petronas met aussi la main à la pâte via son partenaire l'écurie Sauber. Entre les Grands Prix d'Australie et de Malaisie, ses pilotes Nick Heidfeld et Kimi Räikkönen sont réquisitionnés pour une tournée promotionnelle dans toute la Malaisie: conférences de presse, exhibitions d'automobiles, rencontres avec des vedettes locales... Le tout sous une chaleur accablante. Les deux jeunes pilotes sont solidement encadrés par Josef Leberer, préparateur physique attiré de Sauber-Petronas. Ces efforts ne sont pas vains: avec 80 000 spectateurs, le GP de Malaisie 2001 rentrera dans ses frais.
Le circuit de Sepang a en outre subi quelques travaux de réfection. Les virages n°4 et 9 ont reçu un nouvel asphalte car le précédent avait tendance à s'affaisser. Les rails de sécurité ont été éloignés des virages n°6 et 7, et le drainage a été amélioré, ce qui s'avérera fort utile lors de ce week-end orageux. Philippe Gurdjian explique que tous ces aménagements ont été effectués en un temps record d'un mois, le reste du temps étant occupé par les multiples fêtes de ce pays très multiculturel, et notamment par le jeûne du ramadan.
La chaleur sera le principal ennemi des pilotes ce week-end. Une fournaise s'abat en effet sur la péninsule malaise, avec des pointes de 35°C à l'ombre. Les cockpits se transforment en véritables saunas. Les écuries improvisent pour rafraîchir leurs pilotes. Chez McLaren, David Coulthard et Mika Häkkinen bénéficient de casques réfrigérés, dans lesquels l'eau circule par des minuscules tuyaux. Chez Jaguar, Eddie Irvine et Luciano Burti utilisent des mini-bombes d'aérosols rafraîchissants. D'autres enfilent des combinaisons et des cagoules protectrices. Dimanche, chacun ingurgitera au moins 7 litres d'eau avant le départ pour éviter la déshydratation. Dans les cockpits, la bouteille pour se désaltérer passe d'1,5 à 2, voire 3 litres. Il faudra aussi aérer au maximum la mécanique. Les carrosseries des monoplaces sont ainsi munies d'ouvertures ou de petites cheminées de refroidissement. Benetton se distingue avec d'énormes extracteurs d'air chaud. Mais des moyens beaucoup plus empiriques sont mobilisés, comme le versement de glaçons dans les pontons...
Michael Schumacher est en procès. Bien que sous contrat avec le fabricant de casques Bell courait jusqu'en 2001, le triple champion du monde a décidé de rejoindre le manufacturier allemand Schuberth qui équipe déjà son frère Ralf et Nick Heidfeld. Mais Bell ne l'entend pas ainsi et a porté l'affaire devant un tribunal bruxellois qui a condamné Schumacher à respecter son contrat, sous peine d'une très lourde amende. C'est pourquoi le pilote Ferrari a dû abandonner à Melbourne son nouveau couvre-chef Schuberth pour reprendre le Bell. L'affaire pourrait ne pas en rester là: pour justifier son changement de fournisseur, Schumacher a mis en avant la « toxicité » des produits Bell, qu'il utilisait pourtant sans problème depuis ses débuts en F1... Un expert mandé par la justice belge ayant fait litière de ces accusations, Bell se réserve le droit d'attaquer Schumacher pour diffamation. Il ne faudra rien de moins que l'intervention de Ferrari pour mettre le holà et enterrer cette histoire.
Entre les GP australien et malaisien, Mika Häkkinen a effectué quelques essais privés, puis a fait un crochet par Helsinki pour assister au baptême de son fils Hugo. Écoutant les médias nationaux, le Finlandais s'est aperçu que sa popularité était déjà battue en brèche par celle du jeune prodige Kimi Räikkönen. S'en formalise-t-il ? Ce taiseux n'en dira rien. Il médite sans doute beaucoup sur son accident de l'Albert Park. Une rupture de suspension l'a envoyé dans le mur à 250 km/h. Le choc fut tel que son casque a heurté la barrière. Curieuse et inquiétante réédition, fort heureusement beaucoup moins grave, du terrible crash qui a failli lui coûter la vie à Adélaïde, il y a six ans. Tout cela fait sans doute réfléchir un jeune papa...
Chez Ferrari, pendant que Michael Schumacher prenait quelque repos avec son épouse sur l'île de Langkawi, Rubens Barrichello a testé à Fiorano la F2001 en compagnie de Luca Badoer. Arrivé en Malaisie, le Brésilien retrouve son équipier lors du cocktail de gala au Pan Pacific Hotel. Tan Sri Basir Ismail présente les pilotes Ferrari à tous les officiels malais possibles et imaginables. Schumacher s'agace visiblement de ces interminables mondanités. Barrichello est plus placide, mais son agent Federico Della Noce se montre très bavard. « Cette année, on va voir du grand Barrichello, clame-t-il. Il y a égalité absolue, pour le moment, entre Rubens et Michael. En piste, Rubens peut se comporter à sa guise, à fond ! » Della Noce enjolive sans doute un peu, voire beaucoup, la réalité. Mais il lui faut négocier la prolongation du contrat de son clientqui s'achève à la fin de l'année...
Jacques Villeneuve est remis de son effrayant accident de Melbourne, lequel a hélas coûté la vie à un commissaire de piste. Le Québécois ne s'étendra guère sur ce drame. Il confie seulement qu'il n'a pas eu le temps d'avoir peur: « Quand j'ai vu les images vidéo, j'ai été impressionné, mais pas avant. Comme la voiture est partie en arrière, je ne me rendais compte de rien, je ne savais pas où l'impact allait se produire, si j'allais finir la tête en haut ou en bas... Si bien que je ne me suis même pas effrayé. » Craig Pollock nous apprend que son pilote et ami s'est reposé à Port Douglas avant de se rendre en Malaisie. Par ailleurs, le patron de BAR porte la responsabilité du terrible accrochage sur Ralf Schumacher: « Il a freiné bien trop tôt, à 170 mètres du virage n°3. Nous en avons la preuve télémétrique formelle. » Schumacher ne rallumera pas la polémique. Il y a tout de même une famille endeuillée...
Dans les derniers tours du GP d'Australie, Heinz-Harald Frentzen a tout fait pour doubler son compatriote Nick Heidfeld, en vain. Alors qu'il avait cordialement salué ce dernier à la fin de la course, l'Allemand de Jordan s'est défoulé peu après sur son site internet, accusant Sauber d'avoir recours à un antipatinage: « À chaque fois que Nick sortait d'un virage, il prenait le large alors que j'entendais son moteur pétarader, comme s'il avait des ratés. Je me demande si l'antipatinage est fourni avec le moteur Ferrari... » Le tabloïd allemand Bild jette de l'huile sur le feu en résumant ainsi ces propos: « Frentzen traite Heidfeld de tricheur ! » En Malaisie, « HHF », conscient de sa maladresse, rétropédale assez piteusement: « D'abord, ce site est géré par quelqu'un auquel je confie certains commentaires, mais je n'en suis pas l'auteur direct. Ensuite, je n'ai pas accusé Sauber et Heidfeld de tricherie. J'affirme juste que les pilotes ayant un moteur Ferrari, quels qu'ils soient, bénéficient de quelque chose qui leur permet de mieux sortir des virages. » À quelques semaines de la légalisation de l'antipatinage, prévue pour le GP d'Espagne, ces commentaires renforcent un climat de suspicion généralisée. D'autant que dans le paddock, d'autres soupçonnent Ferrari d'utiliser des aides au pilotage... « Émettre de telles remarques est stupide, tonne Michael Schumacher. La saison avait bien commencé, et voilà qu'un individu émet des commentaires idiots avant de se rétracter. Qu'est-ce que cela veut dire ? Nick a très bien piloté. Ce type devrait se donner plus de peine au lieu de se chercher des excuses ! » On connaît la grande amitié qui unit Schumacher à Frentzen...
Ange Pasquali, le team manager de Toyota F1 Team, effectue sa première apparition officielle sur un Grand Prix. Après avoir dirigé le programme Endurance de la firme japonaise entre 1997 et 1999, le jeune Corse (37 ans) découvre la F1 avec le volontarisme des débutants. Sa tâche est himalayesque. Il n'est pas aisé de construire une écurie à partir d'une page banche, surtout pour le compte du premier constructeur automobile mondial... Pasquali annonce la prochaine présentation sur le circuit Paul-Ricard de la Toyota TF101, le prototype de la voiture qui sera engagée dans le championnat du monde 2002, et précise le rôle dévolu aux deux pilotes d'essais: Mika Salo développera la machine au Castellet et Allan McNish sur d'autres circuits européens à compter de l'été.
Samedi, le paddock apprend avec tristesse la mort accidentelle de Bob Wollek. Le pilote alsacien, grand seigneur des courses d'Endurance depuis les années 1970, a été renversé par une voiture alors qu'il circulait à vélo à Sebring. La colonie française est très touchée par cette disparition brutale. Tout le monde appréciait « Brillant Bob », un champion au palmarès aussi volumineux qu'éclectique, auquel il n'aura vraiment manqué qu'un passage en Formule 1. Très éprouvé par la mort de son ami, Jacques Laffite dédramatise par un brin d'humour: « Surtout Alain, ne fais plus de vélo ! » lance-t-il à Prost, grand cycliste devant l'éternel.
Quelques évolutions techniques apparaissent en Malaisie. La Ferrari F2001 de Barrichello est dotée samedi d'un curieux aileron avant, avec un profil inférieur courbe et un profil supérieur droit, soit une combinaison des deux écoles apparues à la suite du relèvement de ces appendices. McLaren a renfoncé les points d'ancrage de ses triangles de suspension à la suite de l'accident d'Häkkinen à Melbourne. Les Williams reçoivent plusieurs ajouts aérodynamiques, notamment des mini-ailettes sur les cheminées. Jordan réutilise son aileron central sur la prise d'air afin d'accroître l'appui. Jaguar arbore un profil d'aileron avant copié sur celui de Sauber. Arrows utilise des jantes plus larges afin de réduire le sous-virage de l'A22. Prost GP arbore un nouvel aileron avant signé Henri Durand. Enfin, Minardi reçoit un troisième châssis en provenance de Faenza. « Il y avait longtemps que je n'avais plus vu un vrai mulet ! » sourit Giancarlo Minardi.
Essais et qualifications
Les essais du vendredi se déroulent sous la canicule. Le thermomètre affiche déjà 34°C le matin et atteindra les 38°C l'après-midi. La plupart des équipes cherchent de l'appui en ajoutant des mini-ailerons sur les bolides. Trulli (1'38''846''') signe le meilleur temps de la journée devant M. Schumacher et Barrichello. Samedi matin, la pole position réalisée par M. Schumacher cinq mois plus tôt est rapidement battue. La « guerre des pneus » entre Bridgestone et Michelin est décidément lancée... Barrichello (1'36''188''') est le plus véloce devant l'étonnant R. Schumacher.
La séance qualificative est très haletante. La pole change de mains neuf fois, et R. Schumacher pousse les Ferrari dans leurs retranchements. La Scuderia doit utiliser tous ses jeux de pneus pour monopoliser la première ligne. M. Schumacher décroche la pole in extremis (1'35''220''') et bat de plus deux secondes sa performance de 2000. Barrichello arrache la deuxième place sous le damier. R. Schumacher fait sensation avec sa Williams-BMW, dotée d'excellents pneus Michelin. Troisième, il échoue à 2/10e de son frère. Montoya a très peu roulé vendredi à cause de soucis d'alimentation et se satisfait de sa sixième place. Les McLaren-Mercedes sont à la peine, surtout dans les virages serrés. Häkkinen (4e) concède 8/10e à M. Schumacher. Coulthard échoue au 8e rang après avoir cherché en vain de l'adhérence. Les Jordan-Honda sont bien placées. Malgré des soucis électriques dans la matinée, Trulli (5e) devance assez nettement Frentzen (9e). Les BAR-Honda (Villeneuve 7e, Panis 10e) ont en revanche une tenue de route très perfectible.
Heidfeld place sa Sauber en 11e position, trois rangs devant Räikkönen (14e) qui se débat avec un fort sous-virage. Rapides lors des essais libres, les Jaguar-Ford (Irvine 12e, Burti 15e) déçoivent en qualifications à cause de mauvais réglages. Alesi décroche une encourageante 13e place avec la Prost-Acer, loin devant Mazzacane (19e), déboussolé par la mise au point ardue de l'AP04. Les Benetton-Renault commencent décidément bien mal la saison. Fisichella (16e) doit se rabattre sur le mulet à la suite d'un problème de boîte et Button (17e) se démène contre un intense survirage dans les courbes rapides. Verstappen (18e) déplore un gros sous-virage sur son Arrows-Asiatech. Son équipier Bernoldi signe le 19e temps, mais il est ensuite renvoyé en fond de grille car son aileron avant est mesuré trop proche du sol. Enfin, chez Minardi, Marques (20e) se signale par d'innombrables sorties de route, et Alonso (21e), frappé par d'incessants soucis de boîte, alterne entre le mulet et sa voiture de course.
Le Grand Prix
Le paddock se trouve donc ce week-end dans une étuve: il fait très, très chaud, mais l'humidité est aussi à son maximum. Et en ce mois de mars, nous sommes à la veille de la saison des pluies dans la région de Kuala Lumpur. Ainsi, dans la nuit de samedi à dimanche, une averse de mousson s'abat sur le circuit de Sepang ! À leur grande surprise, les pilotes disputent le warm-up sur une piste humide, en pneus pluie, et vont devoir tester leurs réglages pour ce type de conditions, car la météo prévoit d'autres précipitations pour l'après-midi. Le meilleur chrono, anecdotique, revient à Barrichello (1'49''763''').
L'après-midi, une chaleur étouffante enveloppe le circuit de Sepang, mais le vent charrie de lourds et menaçants nuages. De nouvelles averses tropicales sont à redouter. M. Schumacher emprunte son mulet à la suite d'une fuite d'huile sur sa voiture de course. Bernoldi démarre avec son Arrows de réserve après une panne d'alternateur, tandis qu'Irvine change de bolide après une défaillance de direction assistée.
Premier tour de formation: Frentzen rencontre un problème électrique et ne démarre qu'avec beaucoup de retard. Lorsque les pilotes rejoignent la grille, Fisichella se trompe d'emplacement: il part se garer vers la gauche, alors qu'il devait s'arrêter à droite ! Le Romain s'aperçoit trop tard de son erreur, dépasse sa position, cale son moteur et se retrouve immobilisé en épi entre les deux files de voitures. La procédure de départ est annulée. Charlie Whiting autorise les mécaniciens à intervenir sur les monoplaces avant de relancer un tour de chauffe. La distance totale est amputée d'une boucle. Cela permet à Frentzen de retrouver sa neuvième position. Fisichella devra pour sa part s'élancer dernier.
Second tour de formation: Après cinq minutes de pause, les bolides sont libérés, mais cette fois c'est Montoya qui reste bloqué. Son moteur refusant de démarrer, le Colombien court vers les stands pour sauter dans le mulet Williams. Il partira depuis la pit-lane.
Départ: M. Schumacher prend un bel envol, contrairement à Barrichello qui est attaqué et débordé par R. Schumacher à l'extérieur. Bien parti, Trulli tente de se faufiler à l'intérieur. Barrichello défend sa position, mais rate ensuite son freinage et heurte R. Schumacher qui part en tête-à-queue en entrée de virage. Par bonheur, tout le monde parvient à éviter l'Allemand et celui-ci peut se relancer. Frôlé par Verstappen, Irvine exécute aussi une pirouette. Räikkönen reste immobilisé en raison d'un bris de transmission et ne fera pas un mètre.
1er tour: Les Ferrari sont en tête, tandis que dans le peloton, l'étonnant Verstappen a pris un départ-canon et double plusieurs voitures, dont Häkkinen. Parti 18e, le Hollandais se retrouve 6e ! En fin de tour, M. Schumacher devance Barrichello, Trulli, Coulthard, Frentzen, Verstappen, Villeneuve, Häkkinen, Panis et Heidfeld. La Sauber de Räikkönen a été évacuée.
2e: Schumacher et Barrichello s'échappent devant Trulli. Victime d'une impressionnante fuite d'huile, Panis sort dans les graviers dans l'enchaînement des virages n°7 et 8. La BAR laisse échapper des flammes et le Français quitte très vite son habitacle tandis que le feu est très vite maîtrisé. Cependant la piste est maculée de lubrifiant à cet endroit. Pour ne rien arranger, on signale quelques gouttes de pluie. Alonso passe aux stands pour passer en pneus intermédiaires.
3e: Il pleut à grosses gouttes. Mais c'est bien sur l'huile répandue par Panis que les Ferrari glissent au virage n°7 ! Dans un véritable ballet, M. Schumacher et Barrichello dérapent vers le bac à graviers. Le Brésilien parvient toutefois à rejoindre le bitume très vite, en troisième position, derrière Trulli et Coulthard. Schumacher, parti beaucoup plus loin, ne se réinsère qu'en septième position. En fin de tour, l'averse tropicale s'intensifie. Fisichella, Button, Burti, Irvine, Marques et de nouveau Alonso passent aux stands pour mettre les gommes « full wet ».
4e: Le déluge s'abat sur le second secteur du circuit. La piste est détrempée en l'espace de quelques secondes. Villeneuve dérape au virage n°9 et s'enlise dans les graviers. Heidfeld et Bernoldi l'imitent et finissent aussi sur le sable. Puis c'est le leader Trulli qui est victime d'une embardée à l'épingle. Son poursuivant Coulthard exécute également un tête-à-queue, mais il se relance aussitôt et se retrouve même en tête, puisque Trulli doit effectuer un demi-tour pour regagner la piste ! Montoya part en aquaplanage dans le même virage et se plante dans les graviers. Mazzacane et Alonso s'offrent aussi des pirouettes. La situation devient trop dangereuse et la voiture de sécurité intervient.
5e: Alors que la course est neutralisée, Coulthard entre aux stands pour chausser les pneus pluie, imité par Frentzen, Trulli, Verstappen et Häkkinen. Les Ferrari s'arrêtent de concert, Barrichello devant M. Schumacher, et optent pour les pneus intermédiaires. Cependant les mécaniciens ont oublié le pneu avant-gauche du Brésilien dans le garage ! Barrichello reste bloqué sur trois roues pendant près d'une minute, alors que Schumacher patiente derrière lui ! Lorsqu'il redémarre enfin, l'Allemand reçoit à son tour ses quatre pneus et se relance après avoir perdu 72 secondes. Toutefois, la neutralisation permet aux Rouges de ne pas trop sombrer au classement. R. Schumacher, Alesi et Mazzacane chaussent quant à eux des pneus pluie. Irvine abandonne à la suite de la rupture d'une canalisation d'eau.
6e: L'averse fut aussi violente que courte, et a déjà cessé ! En outre, seule la partie est du circuit est détrempée. À l'ouest, l'asphalte est presque sec ! Barrichello effectue un court passage dans les graviers, sans perdre de position. La voiture de sécurité se place devant Button, Burti, Marques et Alonso, relégués à un tour. Ceux-ci sont autorisés à se dédoubler.
7e: Derrière la Safety Car, Coulthard devance Frentzen, Verstappen, Häkkinen, Trulli, Alesi, Fisichella, R. Schumacher, Mazzacane, Barrichello, M. Schumacher, Button, Burti, Marques et Alonso. Tous sont munis de pneus pluie « tendres », sauf les Ferrari qui ont des gommes mixtes, et Verstappen qui jouit de Bridgestone « pluie durs ». Les commissaires évacuent les voitures de Montoya, Villeneuve, Heidfeld et Bernoldi.
9e: Le peloton évolue toujours derrière la voiture de sécurité. Le vent se lève, chasse les nuages et le bitume commence à sécher. Les Ferrari auraient-elles fait une bonne pioche en prenant les pneus intermédiaires ?
10e: La Safety Car rentre aux stands à l'issue de ce tour. La situation est périlleuse: le premier secteur est entièrement sec, mais les seconde et troisième portions sont encore très humides.
11e: Le drapeau vert est agité. Coulthard reste en tête. R. Schumacher dépasse Fisichella, puis Alesi et enfin Trulli. Barrichello et M. Schumacher doublent tout de suite Mazzacane, puis Fisichella. En fin de tour, Verstappen déborde Frentzen au dernier freinage. Voilà le « Hollandais volant » second.
12e: Coulthard a trois secondes d'avance sur Verstappen. Häkkinen dépasse Frentzen au virage n°9. Victime d'un souci d'embrayage, l'Allemand de Jordan s'incline ensuite devant R. Schumacher. Les Ferrari doublent Alesi. Elles arrivent ensuite sur Trulli. Comme Barrichello tarde à attaquer l'Italien, M. Schumacher déboîte son équipier par l'extérieur, et double Trulli dans le même mouvement ! Le voilà déjà sixième. En proie à un gros survirage, Alesi sombre au 11e rang.
13e: M. Schumacher vole grâce à ses pneus intermédiaires. Il déborde Frentzen au virage n°5. Barrichello fait de même dans la foulée. Puis Schumacher double son frère Ralf, et enfin dépose Häkkinen dans l'avant-dernière ligne droite. Button exécute un tête-à-queue qui lui fait perdre quatre places.
14e: M. Schumacher attaque Verstappen à l'épingle, mais ce dernier lui ferme la porte. Barrichello double aisément R. Schumacher et Häkkinen.
15e: Verstappen se défend vaillamment devant Schumacher. Ce dernier attend le virage n°9 pour doubler son ami par l'intérieur. Schumacher rejoint ensuite Coulthard très facilement. Il tente de le déborder par l'extérieur avant l'épingle, mais l'Écossais, mieux placé à la corde, garde le commandement.
16e: Schumacher déboîte Coulthard par l'extérieur avant le premier virage, retarde son freinage et s'impose. L'Allemand est passé en six tours de la 11e à la 1ère place ! Barrichello n'est pas en reste. Il double Verstappen au virage n°5, puis efface Coulthard dans la ligne droite de Penang. Les Ferrari sont en tête de la course et s'envolent, tournant six secondes au tour plus vite que les McLaren !
17e: M. Schumacher précède Barrichello (6s.), Coulthard (11.1s.), Verstappen (12.7s.), Häkkinen (21.7s.), R. Schumacher (25.7s.), Frentzen (28.6s.), Trulli (31s.), Fisichella (34s.) et Burti (43s.).
18e: La piste s'assèche assez vite. R. Schumacher stoppe chez Williams pour remettre du carburant et des pneus pour le sec. Il se relance en 11e position. Alonso change aussi d'enveloppes.
19e: M. Schumacher a repoussé Barrichello à dix secondes, Coulthard à vingt secondes. Seul pilote doté de pneus pluie durs, Verstappen tient le rythme de l'Écossais. Häkkinen bascule à son tour sur les pneus pour le sec et se retrouve huitième.
20e: R. Schumacher prend la dixième place à Alesi. Fisichella ravitaille et change de gommes.
22e: Ferrari accueille Barrichello pour lui mettre de l'essence et des gommes pour le sec (13.7s.). Le Brésilien se relance quatrième. Frentzen ravitaille aussi et se réinsère entre Häkkinen et R. Schumacher.
23e: M. Schumacher prend un tour aux premiers attardés. Verstappen passe en slicks et remet un peu d'essence (7.6s.). Il repart devant Häkkinen. Alesi chausse aussi les enveloppes pour piste sèche.
24e: Trente-quatre secondes séparent M. Schumacher et Coulthard. R. Schumacher assaille Frentzen au premier virage. L'Allemand de Jordan retarde son freinage, mais celui de Williams tente de s'infiltrer à l'intérieur, en vain. Schumacher déborde finalement Frentzen au forceps par l'intérieur du virage de Langkawi. Trulli bascule sur les pneus secs (6.7s.). Arrêts aussi pour Button et Burti.
25e: M. Schumacher devance Coulthard (40s.), Barrichello (56s.), Verstappen (1m. 08s.), Häkkinen (1m. 09s.), R. Schumacher (1m. 14s.), Frentzen (1m. 15s.) et Trulli (1m. 18s.).
26e: Les pneus intermédiaires de M. Schumacher sont devenus des slicks, mais il reste plus rapide que les pilotes en pneus pour le sec ! Coulthard remet de l'essence et change de gommes (8.8s.), puis se relance troisième. Häkkinen est sur les talons de Verstappen et tente de lui faire l'intérieur à l'épingle, sans succès. Arrêt de Mazzacane.
27e: Schumacher compte une minute d'avance sur Barrichello et tourne quatre secondes au tour plus vite que son équipier. Häkkinen est gêné par le retardataire Mazzacane. Il perd ainsi le contact avec Verstappen et R. Schumacher le rattrape.
28e: Häkkinen est de nouveau ralenti, cette fois par Marques au virage n°14. R. Schumacher profite ensuite de la puissance de son moteur BMW pour doubler le Finlandais dans la ligne droite suivante.
29e: M. Schumacher précède Barrichello (1m. 07s.), Coulthard (1m. 22s.), Verstappen (1m. 37s.), R. Schumacher (1m. 38s.), Häkkinen (1m. 39s.), Frentzen (1m. 42s.), Trulli (1m. 46s.), Fisichella (-1t.) et Alesi (-1t.). Arrêt de Marques.
30e: M. Schumacher fait halte chez Ferrari pour prendre de l'essence et des pneus pour le sec (13s.). R. Schumacher menace Verstappen.
31e: A la suite d'une crevaison à l'arrière-droit, Marques déchape dans la ligne droite de retour. Le jeune Brésilien peut cependant regagner aussitôt les stands pour changer de roues.
32e: R. Schumacher prend la cinquième place à Verstappen, bientôt attaqué par Häkkinen. Alonso stoppe chez Minardi pour modifier ses réglages.
33e: Häkkinen est aux trousses de Verstappen, mais il souffre d'un grave déficit de motricité. Frentzen vient ainsi le menacer. Fisichella se gare dans une échappatoire à la suite d'une chute de pression d'essence.
34e: M. Schumacher mène devant Barrichello (26s.), Coulthard (53s.), R. Schumacher (1m. 05s.), Verstappen (1m. 10s.), Häkkinen (1m. 11s.), Frentzen (1m. 12s.), Trulli (1m. 25s.), Alesi (-1t.) et Burti (-1t.).
35e: R. Schumacher est actuellement le plus rapide et revient sur Coulthard, mais il devra stopper encore une fois, contrairement au pilote McLaren. Troisième arrêt pour Mazzacane.
36e: Le ciel s'est éclairci et la trajectoire est presque sèche. M. Schumacher roule à sa main et laisse Barrichello revenir à 14 secondes. Verstappen résiste toujours à Häkkinen qui sort avec peine des virages et ne peut donc pas porter d'attaque.
38e: R. Schumacher roule deux secondes au tour plus vite que Coulthard. Häkkinen déborde Verstappen dans la grande courbe n°14, mais il dérape à la sortie et le Hollandais prend l'aspiration de la McLaren dans la ligne droite opposée. Verstappen pique à l'intérieur, quitte à esquisser une glissade. Häkkinen freine pour éviter l'Arrows, et Frentzen en profite pour le doubler par la gauche.
39e: R. Schumacher opère un second pit-stop (8s.) et repart en septième position. Frentzen est désormais dans les roues de Verstappen.
40e: Barrichello est bien plus rapide que M. Schumacher, mais il a moins d'essence que celui-ci. Trulli repasse aux stands et reste huitième (9s.).
41e: Häkkinen opère un second pit-stop (8.5s.) et ressort en septième position.
42e: Barrichello revient au stand Ferrari pour ravitailler et changer de pneus (8.4s.). Le Brésilien reste second.
43e: Coulthard se rapproche de Barrichello: six secondes les séparent. Pourchassé par Frentzen, Verstappen est gêné par Marques. Häkkinen se réveille soudain et est désormais le plus rapide en piste.
44e: Verstappen doit opérer un troisième arrêt aux stands (7s.). Le Néerlandais repart septième derrière Häkkinen et laisse ainsi échapper des points mérités.
45e: M. Schumacher précède Barrichello (38s.), Coulthard (43s.), Frentzen (1m. 02s.), R. Schumacher (1m. 09s.), Häkkinen (1m. 17s.), Verstappen (1m. 23s.) et Trulli (-1t.).
47e: Les McLaren sont désormais les plus rapides en piste. Un peu trop tard... Coulthard revient à quatre secondes et demie de Barrichello. De son côté, Häkkinen remonte sur R. Schumacher.
48e: Häkkinen réalise le meilleur tour de la course (1'40''962''') et revient à quatre secondes de R. Schumacher.
50e: Häkkinen est dans les roues de R. Schumacher. Toutefois la puissance du moteur BMW l'empêche d'aller à l'assaut.
51e: M. Schumacher mène devant Barrichello (30s.), Coulthard (37s.), Frentzen (59s.), R. Schumacher (1m. 05s.), Häkkinen (1m. 06s.), Verstappen (1m. 15s.) et Trulli (-1t.).
53e: Tout va bien pour M. Schumacher qui adopte un train de sénateur. Barrichello garde cinq secondes d'avance sur Coulthard. R. Schumacher résiste toujours à Häkkinen.
55e et dernier tour: Michael Schumacher l'emporte devant son équipier Barrichello. Coulthard complète le podium. Frentzen se classe quatrième. R. Schumacher (5e) ouvre le compteur de Williams-BMW et surtout celui de Michelin. Häkkinen finit sixième. Verstappen doit se contenter de la septième place. Viennent ensuite Trulli, Alesi, Burti, Button, Mazzacane, Alonso et Marques.
Après la course: Ferrari sauvée des eaux
Ce Grand Prix restera dans les annales pour l'incroyable retournement de situation dont a bénéficié Ferrari. En effet, au bout de cinq tours, tout semblait perdu pour les Rouges après la double sortie de route des F2001, puis un incroyable cafouillage dans les stands, sous le déluge. Mais la voiture de sécurité et surtout la sagacité de Ross Brawn ont tout sauvé. L'ingénieur britannique, dont la réputation d'habile stratège n'est plus à faire, a en effet tablé sur une rapide amélioration des conditions météorologiques. Ainsi, seuls dans le peloton, Michael Schumacher et Rubens Barrichello furent munis de gommes mixtes. Un coup de maître. En moins de dix tours, le Cheval cabré, sauvé de la noyade, repoussait d'une ruade tous ses adversaires et entamait une formidable cavalcade en solitaire. À sa tête, le « Regenmeister » n'a pas failli non plus à sa renommée. « Quand je suis sorti à cause de la pluie, j'ai vu le rail se rapprocher et j'ai cru que c'était fini, confie Schumacher. Puis j'ai vu Rubens sortir comme moi. J'ai eu de la chance de m'en sortir sans dommage. En rentrant aux stands, j'ai demandé les pneus intermédiaires. Je savais que ce serait difficile au début, mais c'était la meilleure solution quand la pluie se calmerait. J'aime ce genre de victoires qui ont nécessité un rude travail ! »
Rubens Barrichello a lui aussi cru que son dimanche s'achèverait dans son embardée du troisième tour: « J'étais si près de Michael que je ne pouvais rien faire. Si je m'étais mis en tête-à-queue, je l'aurais éperonné. Je l'imaginais dans le mur, au fond du bac. Au final, je m'en suis tiré mieux que lui. » Le Brésilien a tout de même laissé quelques morceaux de déflecteurs et une prise de refroidissement de freins dans cette excursion. Survivre sous le déluge ne fut ensuite pas une mince affaire. « Il y avait tant d'eau sur la piste que parfois les roues donnaient l'impression de ne plus tourner, explique Barrichello. Nous avancions sur le fond plat. C'était du surf ! Tous les cent mètres, je voyais une voiture en tête-à-queue... À un moment donné, mes roues ont repris le contact avec le sol. J'étais alors en 5e ! J'ai dit au stands que je voulais rentrer, et je suis donc arrivé aux stands à 80 km/h en 5e... » Ce fut alors la pagaille chez Ferrari. Suite à un contre-ordre, les pneus pluie ont été remisés pour les mixtes. Puis il manquait la roue avant-droite pour Barrichello... Coincé derrière son équipier, Schumacher fulminait: « Je croyais que son moteur était coupé et qu'il ne repartait pas. Je criais dans la radio de l'ôter de là ! » raconte l'Allemand.
À la relance toutefois, le choix des pneus intermédiaires a permis à Ferrari de signer un fantastique doublé. Dans le bon ordre, Schumacher s'étant débarrassé de Barrichello au prix d'un duel féroce. Le Brésilien fait part de son amertume devant la presse brésilienne: « Pour être honnête, ce ne fut pas une manœuvre très sympathique ! » soupire-t-il. « Je me suis retrouvé derrière une Jordan. Comme la piste était encore humide, avec des débris, j'ai attendu quelques secondes pour dépasser... Mais soudain, j'ai vu Michael à ma hauteur et il m'a déposé. Dans ces conditions, un équipier aurait dû jouer le même jeu et patienter. Bon, au final, j'ai dû m'arrêter une fois de plus que lui. Je n'aurais pas pu gagner. Mais, tout de même... » Barrichello découvrirait-il un peu tard que Schumacher est un « tueur » ne laissant jamais passer une occasion de vaincre ? « Il n'y a rien eu d'exagéré dans ma manœuvre, se justifie l'Allemand. Rubens est mal sorti d'un virage, peut-être gêné par un concurrent. J'étais mieux placé pour le freinage suivant, et voilà tout. Ce n'était pas dangereux. Il pouvait me voir dans ses rétroviseurs. Je ne vois pas pourquoi j'aurais laissé passer cette opportunité. Et puis de toute façon, la suite a montré que j'étais le plus rapide. » À bon entendeur, salut ! Avec cette deuxième victoire en deux courses - sa sixième consécutive - Schumacher installe déjà son hégémonie sur la saison 2001, et ce n'est pas son équipier qui va le contrarier...
En tout cas, les récriminations de Barrichello sont mal perçues chez Ferrari, d'autant qu'elles trouvent écho auprès des journalistes italiens. Mécontent, Jean Todt prend évidemment parti pour Schumacher et enjoint son second pilote à modérer ses propos. Du reste, Barrichello oublie qu'il a ruiné au départ la course de l'autre Schumacher, Ralf. Ce dernier est furieux. Plus tard, à l'aéroport, lorsque le journaliste brésilien Jayme Brito fustige l' « incorrection » de l'aîné des Schumacher envers son ami Barrichello, il est repris de volée par Willi Weber: « Ralf aurait gagné si Rubens ne l'avait pas percuté ! » Brito ne répond pas. « Tout est facile pour Michael en ce moment. Les grands pilotes sont des fauves à l'affût », conclut Weber avec le sourire.
Les McLaren-Mercedes ont en revanche bu la tasse. Les cinq points récoltés sont bien la seule satisfaction des Gris ce dimanche soir. Qu'on en juge: Michael Schumacher a comblé en seulement cinq tours un retard de 10 secondes sur David Coulthard, et Mika Häkkinen a buté pendant 25 rondes derrière l'Arrows de Jos Verstappen ! Néanmoins, l'écurie de Woking refuse d'incriminer la MP4/16 et met son échec sur le compte d'un mauvais choix de gommes. « Nous aurions dû mettre des pneus mixtes dès le début, comme Ferrari, déclare Adrian Newey. Hélas, nos prévisions météorologiques annonçaient un accroissement de l'averse. Et de toute façon, ce fut une telle patinoire pendant la neutralisation que nous ne voulions pas prendre le risque de perdre les voitures dans un accident. Quant à Mika, il aurait eu une toute autre course s'il n'avait pas été gêné par le tête-à-queue de Ralf Schumacher au départ et s'il n'était pas resté bloqué derrière des concurrents plus lents. » Toutefois, Ralf Schumacher et Heinz-Harald Frentzen ont su doubler Jos Verstappen, contrairement à Mika Häkkinen... La MP4/16 avait une motricité déplorable sur le mouillé. Aurait-elle un « loup » ? « Elle n'est pas moins bonne que ses devancières ! » tempête Ron Dennis. « Actuellement, nous avons des soucis de tenue de route, mais cela va s'arranger. D'ailleurs, nous n'avons pas été confrontés à un, mais à plusieurs problèmes, notamment le manque de fiabilité du moteur. Mercedes a résolu rapidement ce souci, mais celui-ci a été préjudiciable au développement de la voiture. » Tiens, un coup de griffe envers l'Étoile ? Toujours est-il que face à la suprématie de Ferrari, les ambitions de McLaren sont revues à la baisse en ce début de saison. « Il ne faut pas se leurrer, il n'y aura pas d'améliorations avant l'arrivée des évolutions en Europe », conclut David Coulthard.
Le trio Williams - BMW - Michelin quitte Sepang avec seulement deux points, au terme d'une course difficile: Ralf Schumacher a été percuté par Rubens Barrichello au départ, puis s'est débattu avec un châssis sous-vireur, tandis que Juan Pablo Montoya s'est très tôt embourbé dans le bac à sable. Mais l'essentiel n'est pas là. Lors des qualifications, le cadet des Schumacher a seul disputé la pole aux Ferrari, démontrant à la fois les qualités de sa Williams, de son surpuissant V10 BMW, et surtout des pneus Michelin. Les produits français ont aussi bien fonctionné sur le sec avec les Jaguar, et n'ont pas souffert la comparaison avec Bridgestone sur le mouillé. On peut donc penser qu'ils pourront très bientôt rivaliser directement avec leurs rivaux japonais. « Le comportement des pneus est déjà bien meilleur que voici quinze jours en Australie. Les gens de Michelin font vraiment du super travail », souligne Ralf Schumacher. Progression à confirmer au Brésil.
Jos Verstappen est bien mal récompensé d'une course tout à fait exceptionnelle. « Jos the boss » s'est en effet transcendé sous la mousson. Auteur d'un départ magnifique (12 places gagnées en un tour !), il put sous la pluie de tenir le rythme des meilleurs - Ferrari exceptées - grâce à un faible appui, et surtout à un choix judicieux de pneus pluie « durs », bien plus endurants que les « tendres » choisis par ses adversaires. Il aurait pu ainsi ramasser de très gros points. Sa résistance opiniâtre face à Mika Häkkinen a forcé l'admiration. Hélas, Arrows avait planifié un second ravitaillement tardif, et Verstappen fut finalement repoussé à la pire des places, la septième. « C'est vraiment dommage que la seconde averse que nous attentions ne soit pas venue ! soupire le Batave. Cela m'a obligé à arrêt supplémentaire. C'est très regrettable, car la voiture se comportait parfaitement. » Parfois brillant, mais souvent brouillon, le pilote néerlandais s'est en tout cas rappelé au bon souvenir de ceux qui le considèrent, avec un certain dédain, comme le simple « pote de Schumi », auquel il devrait sa carrière: « À partir du moment où vous avez une bonne voiture dans les mains, le premier objectif est de montrer ce dont vous êtes capable. À ce sujet, j'espère que beaucoup se souviendront de ma course. » Mike Coughlan, directeur technique d'Arrows, le congratule aussi: « Jos a produit un pilotage fantastique et agressif ! Dommage que nous n'ayons pas eu plus de pluie. Ce résultat est très encourageant pour la suite de la saison, d'autant que nous alors encore améliorer la voiture. » L'Arrows-Asiatech sera-t-elle la bonne surprise de cette saison 2001 ?
Sources :
- Luc Domenjoz, L'année Formule 1 2001-02, Chronosports Editions, 2001
- Renaud de Laborderie, Le Livre d'or de la Formule 1 2001, Paris, Solar, 2001
- Sport auto, avril 2001
- Auto hebdo, 21 mars 2001
Tony