Un élément natif est un minéral, soit corps simple formé essentiellement d'un seul élément chimique, soit alliage caractérisé par quelques éléments chimiques associés, suffisamment pur(s), à l'état de corps simples, en théorie non combinés chimiquement, qui est naturellement présent dans la croûte terrestre ou dans d'autres environnements naturels tels que les météorites et les corps célestes[1].

La définition strictement chimique n'admettrait en principe, ni alliage métallique, ni composé chimique, mais l'observation de la cristallochimie par les minéralogistes a étendu considérablement la catégorie minérale couvrant les éléments natifs depuis le XIXe siècle. La classification de Strunz inclut dans la « classe des éléments natifs », non seulement les éléments natifs définis ci-dessus, mais aussi tous les minéraux ayant la composition d'un carbure, d'un nitrure, d'un phosphure ou d'un siliciure.

Définitions

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Il s'agit de définitions classificatoires concernant la minéralogie. Chimistes, physico-chimistes ou physiciens considèrent globalement qu'il n'y a que 92 éléments naturels, et n'emploient sélectivement la notion d'éléments natifs qu'en référence aux travaux des minéralogistes de terrain sur les corps purs simples ou assimilés[2]. Un géologue préfère parler de traces d'éléments et s'il aborde ce domaine, il emprunte ce vocable aux minéralogistes.

L'histoire de la notion remonte à l'alchimie ancienne ou même à la vieille chimie technique sous son influence, car mineurs et métallurgistes croyaient que la Terre engendrait la matière minérale et permettait même sa maturation. L'adjectif latin nativus à l'origine de l'adjectif français natif a bien la même racine que le mot nativitas, signifiant « nativité, naissance ». Cette croyance, admise plus ou moins ouvertement par des chimistes vitalistes influencés par Nicolas Lemery, a été démentie par une meilleure compréhension chimique, mais la dénomination préservée a finalement permis de qualifier des minéraux singuliers, correspondant à un corps simple naturel à formule chimique élémentaire ou assimilée.

On connaît aujourd'hui au sens strict 34 éléments natifs, répartis en trois sous-classes :

Mais cette approche restrictive oublie que la classification cristallochimique des minéralogistes a compté plus d'une centaine de minéraux naturels divisés à l'origine en quatre secteurs soit les métaux, les semi-métaux, les carbones et carbures, et les non-métaux[3].

L'index chimique de Hey, admise par l'IMA, abréviation de International Mineralogical Association, a fondé une division[4] entre :

  • 84 éléments natifs et alliages, avec dérivés arséniures, antimoniures et bismuthures de l'arsenic, de l'antimoine et du bismuth (catégorie 1) ;
  • 16 carbures, siliciures, siliciures et phosphures (catégorie 2).

La réduction ou simplification de cette liste s'explique par la suppression ou le passage en variétés ou simples synonymes d'espèces minérales. La kongsbergite ou l'amalgame simplement assimilés à (Ag,Hg) sont devenues de simples variétés d'argent natif. L'allémontite est devenue un synonyme pour le stibarsen AsSb. L'arséniure d'étain a remplacé l'association d'éléments natifs (As,Sn) décrite autrefois de manière commune dans les mines d'étain. Différents fers nickelés ou certains alliages Fe(Ni,Co) n'ont pas été validés par l'autorité, la mise en doute survenant peut-être en raison de leur rareté ou de leurs caractères exceptionnels.

Mais, par exemple, la moissanite SiC ou carbure de silicium hexagonale, la taénite ou la kamacite (Fe,Ni) cubiques, respectivement autrefois fer nickelé à environ 50 % et jusqu'à 77,5 % ont été conservés mais reclassé le premier carbure en catégorie 2, les seconds en alliages avec la tétrataénite tétragonale, issue elle uniquement des météorites.

Les éléments natifs constituent, avec les carbures, nitrures, phosphures et siliciures, la première classe des systèmes de classification des minéraux instaurés par Dana et Strunz.

Historique de découverte des éléments natifs et civilisations

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La plupart des éléments natifs sont rares ou très rares, à l'exception de quelques métaux natifs, qui ont joué un rôle important dans la naissance des civilisations. Les quantités infimes expliquent la problématique, exposée ci-dessus, des classifications. Les minéralogistes s'accordent au minimum sur 80 minéraux d'éléments natifs et assimilés.

Le fer présent sur ou dans la croûte terrestre est principalement d'origine météoritique (fer météorique) mais il existe du fer natif d'origine purement terrestre que l'on nomme aussi « fer tellurique ». L'un comme l'autre sont alliés à du nickel et constitués de plusieurs phases : kamacite et taénite principalement, tétrataénite et antitaénite (en) occasionnellement ; ces phases diffèrent par leur cristallochimie ainsi que par leur teneur en nickel.

Cas des métaux natifs

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Notes et références

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  1. Pour parer l'ambiguïté de l'expression d'élément natif, source de méprise, le minéralogiste Alfred Lacroix les dénommait « corps simples natifs », en admettant que certains corps simples pouvaient a priori former alliage ou association entre eux.
  2. L'élément est une entité immatérielle dénuée de propriétés physique ou chimique. Il est signalé par un symbole et un numéro atomique. C'est une sorte de racine d'une espèce chimique donnée, la caractéristique commune à ses atomes, molécules, ions, isotopes (Robert Luft 1997).
  3. Le débat a porté sur les notions de combinaison et d'association, ainsi que de degré d'oxydation zéro de l'élément. Par exemple, dans le cas d'un alliage métallique, s'agit-il d'une association quasiment à égalité de rôle ou d'un composé où l'élément le plus électronégatif ou le plus petit doit être assujetti à une combinaison définie par le caractère de la liaison ?
  4. « Hey's Chemical Index of Minerals », sur mindat.org.

Bibliographie

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  • A-C. Bishop, W-R. Hamilton et A.R Wooley, Guide des minéraux, roches et fossiles, Toutes les merveilles du sol et du sous-sol, Les guides du naturaliste, édition Delachaux et Niestlé, Lausanne, 2009, 336 p. (ISBN 978-2-6030-1647-3). En particulier, les éléments natifs p. 16-21.
  • Ronald L. Bonewitz, Margareth Carruthers et Richard Efthim, Roches et minéraux du monde, Delachaux et Niestlé, 2005, 360 p. (traduction de l'ouvrage anglo-saxon, publié par Dorling Kindersley Limited, Londres, 2005), en particulier p. 112-125 (ISBN 2-603-01337-8).
  • Alfred Lacroix, Minéralogie de la France et de ses anciens territoires d'Outremer, description physique et chimique des minéraux, étude des conditions géologiques et de leurs gisements, 6 vol., Librairie du Muséum, Paris, 1977, réédition de l'ouvrage initié à Paris en 1892 en un premier tome. En particulier, pour les éléments natifs décrits dans le second volume, p. 353-437.
  • Robert Luft, Dictionnaire des corps purs simples de la chimie, Nantes, Association Cultures et Techniques, , 392 p. (ISBN 978-2-9510168-3-5).
  • Jean-Paul Poirot, Mineralia, Minéraux et pierres précieuses du monde, Artemis édition, Losange, 2004, 224 p. En particulier p. 208-209.
  • Guy Roger, « Éléments natifs », dans Encyclopædia Universalis, 2001, début article en ligne.

Voir aussi

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Articles connexes

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Liens externes

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