Augustinisme
L'augustinisme est la quintessence des thèses philosophiques et théologiques fortement inspirées d'Augustin d'Hippone.
L'augustinisme inclut des thèses sur la nécessité de la grâce pour le salut, la conciliation entre foi et raison, la connaissance naturelle de Dieu, la négativité du mal. Saint Augustin est le seul Père de l'Église qui ait donné naissance à un tel système.
Les débats suscités par l'interprétation de l'augustinisme ont largement contribué aux conceptions modernes de la liberté et de la nature humaine.
Doctrines de l’augustinisme
modifierPierre Mandonnet définit l'augustinisme par « l'absence d'une distinction formelle entre le domaine de la philosophie et de la théologie, c'est-à-dire entre l'ordre des vérités rationnelles et celui des vérités révélées ».
Étienne Gilson a écrit que « entre deux solutions également possibles d'un même problème, une doctrine augustinienne inclinera spontanément vers celle qui accorde moins à la nature et plus à Dieu. » Saint Augustin préfère Platon à Aristote et accorde généralement une forme de prééminence du « bien » sur le « vrai ».
L’augustinisme philosophique
modifierL’augustinisme théologique
modifierL’augustinisme politique
modifierLa notion d'augustinisme politique a été proposée par Henri-Xavier Arquillière en 1934 dans son ouvrage intitulé L'augustinisme politique, essai sur la formation des théories politiques au Moyen Âge[1].
Appliqué au domaine politique, l'augustinisme est, selon Mgr Arquillière, une « tendance à absorber le droit naturel dans la justice surnaturelle, le droit de l'État dans celui de l'Église », une « tendance à absorber le droit naturel de l'État dans la justice surnaturelle et le droit ecclésiastique. » Cela, selon Arquillière, ne correspond pas à la vraie doctrine augustinienne, mais en est une déformation postérieure.
Le père Henri de Lubac s’est élevé contre la pertinence de la notion d’augustinisme politique[2], estimant qu’il y avait place chez Augustin pour une justice naturelle autonome, la justice surnaturelle étant essentiellement d’ordre spirituel ; il contestait l’idée qu’il y ait chez Augustin une théologie politique fondant la théocratie et que les théoriciens médiévaux de la théocratie pontificale aient été spécialement augustiniens. Effectivement, la Cité de Dieu vue par saint Augustin n'est pas à confondre avec l'Église hic et nunc et ne justifie pas l'absorption du pouvoir temporel par le pouvoir spirituel - même si d'autres l'ont fait.
Histoire
modifierL'augustinisme au Moyen Âge
modifierAu XIIe siècle, l'augustinisme est la doctrine générale pour les scolastiques ; jusqu'à l'introduction d'Aristote en Occident, c'est le "tronc commun" de l'enseignement philosophique et, partant, théologique.
Parmi les représentants de l'augustinisme médiéval, on peut citer :
- Roland de Crémone (1178-1259), dominicain,
- Robert Kilwardby (1200-1279), dominicain,
- Alexandre de Hales (1180-1245), franciscain,
- Jean de la Rochelle (1200-1245), franciscain,
Le principal d'entre eux est saint Bonaventure (1217-1274).
Tout en donnant un important développement et une synthèse nouvelle à la pensée scolastique, saint Thomas d'Aquin reprend très largement l'héritage augustinien. Il en livre cependant son interprétation, insistant plus qu'Augustin lui-même sur la liberté de l'homme dans la conquête de son propre salut, tout en préservant la référence Augustinienne à un salut d'abord lié à la seule grâce de Dieu.
L'augustinisme à l'époque moderne
modifierLe protestantisme
modifierSaint Augustin inspire fortement la pensée des Réformateurs protestants. Pour Luther et Calvin, qui soulignent la toute-puissance, absolue et irrésistible de Dieu, la liberté de l'homme n'a pas de place dans l'histoire du salut. La justification ne dépend pas des œuvres mais de la seule foi. Calvin élabore une doctrine très précise de la prédestination, qui durcit les positions augustiniennes du sola gratia, le salut par la seule grâce de Dieu.
Le jansénisme
modifierCertaines thèses anthropologiques et théologiques de saint Augustin (profonde corruption de l'homme à la suite du péché originel ; nécessité de la grâce pour le salut) seront reprises, durcies, par Jansénius. Cette influence marquera les XVIIe et XVIIIe siècles.
Pour Jansenius, la grâce ne peut être obtenue ni par la conduite vertueuse, ni même par la prière et les sacrements ; même les justes, pour accomplir les commandements, ont besoin de la grâce efficace, octroyée par la seule miséricorde de Dieu. La rigueur janséniste attire Pascal et imprègne le théâtre de Racine, marqué par son pessimisme.
Notes et références
modifier- Henri-Xavier Arquillière, L'augustinisme politique : essai sur la formation des théories politiques du Moyen Âge, Paris, Vrin, 1934
- Henri de Lubac, « Augustinisme politique ? », in Théologies d’occasion, Paris, Desclée de Brouwer, 1984, p. 255-308.
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier- Henri Gouhier, Cartésianisme et augustinisme au XVIIe siècle, Vrin, 1978
Articles connexes
modifierLiens externes
modifier- L'apport augustinien : Augustin et l'augustinisme politique par Benoît Beyer de Ryke, 1999
- Un avatar de la pensée augustinienne, l'augustinisme politique par Dominique Greiner, in Itinéraires augustiniens no 32,
- Notice du livre L'augustinisme politique : essai sur la formation des théories politiques du Moyen Âge de H.-X. Arquillière sur le site Vrin
- (en) Teaching of St. Augustine of Hippo dans Catholic encyclopedia.